D’aussi loin que je me souvienne, ma grand-mère maternelle a toujours eu ce que nous avions coutume d’appeler des « tablettes ». Je ne sais pas s’il existe une taille de soutien-gorge pour qualifier ses attributs, mais quoi qu’il en soit, on aurait pu déposer sans risque un service à vaisselle complet sur sa poitrine.
Quant à mon arrière-grand-mère, on m’a raconté qu’elle avait l’habitude de ranger harmonica, mouchoirs et porte-monnaie dans son soutien-gorge. Ayant de qui tenir, disons que ma mère n’est pas à plaindre non plus… Vous me voyez venir ? Eh oui, la génétique m’a fait don de deux remarquables melons!
Pas que je n’aime pas les poitrines généreuses, au contraire. Il m’arrive souvent d’être satisfaite des attributs dont la nature m’a pourvue. Du A, ce n’est pas pour moi, car le reste de mon corps n’est pas du genre rachitique. J’ai de bonnes hanches, des fesses qui ne donnent pas leur place et d’indescriptibles cuisses dodues qui ont oublié d’être fermes à l’intérieur. J’ai donc besoin de ma généreuse poitrine pour rétablir l’équilibre!
Pourquoi écrire sur ma poitrine? Après tout, c’est un sujet plutôt intime?! Et bien parce qu’au même titre que mes enfants, mon mari ou mes parents, ils m’ont fait vivre suffisamment d’émotions fortes pour mériter cette attention!
Je me rappelle mes dix ans… J’étais la seule de cet âge à être déjà développée. Aujourd’hui, il semble que ce soit le bonheur total lorsque ces petites choses surgissent. Or, dans mon temps (voilà une expression qui me fait jubiler !), c’était la honte. J’essayais donc de camoufler ces indésirables du mieux que je pouvais. J’ai dû passer un an les bras croisés sur la poitrine, pensant déjouer l’attention de mes camarades.
Il m’aura fallu attendre longtemps avant que mes amies franchissent à leur tour cette étape glorieuse de la puberté. Malgré tout, impossible pour moi de faire oublier mes attributs plus généreux que la moyenne, car on me les rappelait sans cesse. Les gars à p’tite-moustache-molle-et-laide qui étaient dans ma classe se montraient tout à coup très inventifs quand venait le temps de se lancer des défis à mes dépens. Je me retrouvais donc avec des mains qui frôlaient « subtilement » ma poitrine, des insinuations salaces et des ricanements mesquins. À l’adolescence, un rien nous insécurise. Je n’avais pas la confiance nécessaire pour assumer une telle poitrine : à mes yeux, elle me rendait « différente ».
J’aurais bien aimé pouvoir compter sur le soutien de la gent féminine, mais nous n’étions pas de cette nouvelle génération de jeunes qui parlent de leur corps comme elles révèlent ce qu’elles ont mangé pour dîner. Nous étions pudiques. Presque trop. Les seules qui m’accordaient de l’attention, c’était les jalouses. Celles qui auraient désespérément aimé avoir cette attention des garçons, attention que je leur aurais volontiers cédée ! Elles me lançaient des commentaires, faisaient des blagues douteuses sur mon équilibre ou sur les vêtements que je portais, etc. La première fois que j’ai entendu parler de réduction mammaire, ça venait de l’une d’elles. Estomaquée par ma tenue plus cintrée qu’à l’habitude ‒ un chandail bleu que je n’ai d’ailleurs jamais remis ‒, elle m’avait lancé sèchement :
– Tu sais, il y a des opérations pour ça !
Je n’ai trouvé aucune réponse cinglante à lui envoyer sur le coup. En fait, je n’étais pas certaine de savoir de quoi elle parlait, alors je l’ai ignorée. Je suis toutefois retournée chez moi perturbée par la soudaine possibilité d’une « solution » à mon problème.
Pour lire la suite, vous devrez vous procurer ceci! En effet, il s’agit d’un extrait de mon livre tiré du chapitre 36DD…