Parfois, un tout petit geste se transforme en une grande histoire. Une belle histoire cette fois-ci. Aux allures de conte de Noël. Vraie du début à la fin.
Je choisis de la raconter d’abord parce que je sais qu’elle saura faire vibrer d’autres cœurs que le miens. Parce qu’elle porte un message d’espoir. Et aussi parce qu’elle pourra nourrir l’idée, pourtant répandue mais pas assez souvent racontée, que chaque petit geste compte.
Nous avions pris l’habitude d’aller nous promener dans le sentier linéaire à quelques pas de chez nous. La Covid ayant fait des promenades une activité des plus en vogue, nous y allions souvent, seuls ou accompagnés. Chaque fois, nous passions devant cette petite cabane, cette montagne de branches qui attirait inévitablement la curiosité de nos enfants. J’ai pensé qu’un papa pouvait l’avoir construit pour son fils. Puis j’ai pensé, en voyant les débris de feu, que des adolescents pouvaient s’y réunir à l’occasion. Jusqu’à ce qu’un soir, alors que nous marchions à la brunante, la cabane fut occupée. Quelqu’un était à l’intérieur. Avait laissé son chariot à la porte et étendu ses vêtements sur la corde, attachée entre deux arbres.
C’était novembre. Il faisait froid. J’ai approché de quelques pas, mon mari me retenant par le manteau, m’encourageant à contenir ma curiosité. Mais j’ai bien eu le temps d’apercevoir sa silhouette. Un homme, d’un certain âge. La réalité nous a tous frappés en même temps, mais ce sont mes enfants qui ont ouvert la bouche les premiers.
— Maman, il ne dort pas ici le monsieur ?
Si. Il y dort. Et je n’ai plus pensé à rien d’autre de toute la promenade. Les degrés étaient passés sous le zéro. Quelques flocons s’étaient déjà répandus ici et là.
Cette nuit-là, j’ai détesté la chaleur de mes draps et le confort de mon lit. Je pensais à notre divan-lit vide. Aux quelques pas qu’il me faudrait pour aller le chercher et l’y installer. On ne fait pas ce genre de chose. Pas dans le monde dans lequel on vit. Mais moi, dont l’univers chevauche parfois celui des licornes et des Calinours, je peinais à me faire à l’idée que nous allions juste le laisser là, dans le froid.
Le lendemain, mes enfants ont aussi voulu passer à l’action. De la soupe. Bien chaude. Pourquoi pas ? Nous y avons mis de l’amour à la tonne. C’était la meilleure soupe que nous n’ayons jamais faite ! Fébriles, nous avons mis nos manteaux et sommes partis dans la forêt. Alors que nous approchions de la cabane, nos cœurs battaient la chamade. Nous n’étions plus dans notre zone confortable.
Toutes ses choses y étaient. Mais pas lui. J’ai accroché la soupe et la cuillère à l’entrée de la cabane. J’ai aperçu entre les branches le carton qui lui servait de matelas et son oreiller.
Nous sommes partis, l’avons imaginé revenir, trouver notre petite surprise et le savourer avec plaisir.
Le lendemain, j’y pensais encore. Aussi me suis-je permis, en classe avec mes petits élèves de 2e année, de leur dire à quel point ils ont de la chance d’avoir de belles maisons et des lits douillets. Je leur ai parlé de l’homme. De la soupe. Et comme le font habituellement le cœur des enfants, ils se sont attendris.
— On doit faire quelque chose madame ! On pourrait lui apporter des biscuits ?
Des biscuits. C’était une initiative bien modeste. Mais mieux que rien. Quelques jours plus tard, nous avons envahi la cafétéria, aidés d’une vaillante bénévole attitrée à la cuisson, et avons fait des tonnes de biscuits. En avons mangé un peu, mais avons gardé les plus beaux pour le monsieur.
Le lendemain avant-midi, je me suis présentée à la cabane. La neige avait bien recouvert le sentier cette fois. Le bord de la rivière était glacé et l’idée de m’étendre là, dans cette cabane, et d’y passer la nuit me frigorifiait.
Cette fois, il y était. J’entendais sa respiration, le souffle de son sommeil. Je ne voulais pas le réveiller. Je me suis approchée le plus près possible, sur la pointe des pieds. Les biscuits venaient avec une lettre.
Je suis enseignante dans une école de Neufchâtel. Moi et mes élèves sommes peinés de savoir que vous dormez dans le froid. À défaut de vous réchauffer le corps, nous avons pensé vous réchauffer le cœur avec ces quelques biscuits.
Je me suis dit que j’y retournerais. Qu’un jour, je le rencontrerais, lui demanderais son nom et son histoire. Trois semaines plus tard, le congé de Noël est arrivé. Je commençais à penser à un petit cadeau de Noël qu’on pourrait lui préparer. Et c’est là que le téléphone a sonné. C’était la secrétaire de l’école, aussi mon amie.
— Heee Julie… J’ai une question bizarre ! Est-ce que c’est toi qui donnes des biscuits à un homme qui vit dans un arbre ?
C’était tellement inattendu…
— Peut-être oui… Pourquoi ?!
— Une dame a appelé. C’est une Marcotte elle aussi. Elle a reçu un appel d’un homme qui cherche une Madame Marcotte qui travaille dans une école de Neufchâtel. La dame a décidé de l’aider dans ses recherches et nous a appelé pour savoir si une madame Marcotte qui travaille chez nous aurait donné des biscuits à un homme dans la forêt. C’est toi ?!
J’étais saisie. C’était moi qui avais l’habitude de le chercher. Et voilà que la situation s’était inversée. Comment était-ce possible ?
Le lendemain, j’ai eu l’homme de la cabane au bout du fil. Nous étions tous les deux bouleversés.
— Je devais vous parler Mme Marcotte, parce que vous, vos élèves et vos biscuits, vous m’avez redonné envie de m’accrocher à la vie.
Prise pas les émotions, j’ai tenté de mettre les morceaux du casse-tête ensemble. L’homme avait vécu un été très difficile, s’était installé à la cabane en juin. Il savait qu’il avait besoin de soins, avait renoncé à s’en prévaloir. Le désespoir s’étant tranquillement installé en lui.
— J’ai écrit une lettre pour vous et vos élèves. Et j’ai fait un dessin aussi. Vous viendrez le chercher ?
Au bout du fil, de sa voix émue, il m’a lu la lettre. Il y parlait de la nature, de la foi qu’il avait l’habitude d’avoir dans le créateur et qu’il avait doucement perdue.
La boite ne contenait pas que des biscuits. Pour lui, elle renfermait de l’espoir. Et une raison de s’accrocher.
Ce jour-là, il a quitté la cabane. Il est allé chercher l’aide dont il avait besoin.
— Il fallait que je vous retrouve pour vous le dire.
Le silence dans le combiné laissait deviner nos émotions respectives.
— Je viendrai chercher le dessin bien sûr. Et je vous rappellerai bientôt.
La cabane est vide. Elle pourra maintenant accueillir des enfants et des adolescents qui voudront y jouer, s’y rassembler quelques heures avant de rentrer dormir dans leurs maisons confortables.
Ce n’était que quelques biscuits. Et pourtant non.
On le dit souvent, on ne le pense pas toujours : Chaque petit geste compte !
En ce temps de confinement, je n’aurais jamais imaginé recevoir un tel cadeau de Noël. Parfois, souvent, les plus beaux cadeaux viennent de ce que l’on offre soi-même. Inondons donc notre entourage de ces petits gestes qui répandent, une goutte à la fois, l’amour et l’espoir dont nous avons tous tellement besoin.
Du fond de mon cœur, Joyeux Noël à tous ! Que Dieu vous bénisse et vous garde. XXX
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Anne-Claire dit
C’est tout à fait magnifique et inspirant ce qui t’es arrivé, Julie! Bravo d’avoir poursuivi l’élan de ton coeur! ❤️
Tante Helen dit
WoW Julie
Oui les petits gestes comptent bcp !
Qui aurait crue?
Vous lui avez donner espoir dans la vie ,qu’il avait perdu!
Bravo et continuer d’écouter votre cœur Mme Marcotte
Sylvie vachon dit
Bonjour,
Quel beau texte et surtout quel beau message d’espoir.
Je vous remercie de nous partager de si belles histoires.
Pour ma part, j’ai offert à ma fratrie des soupers faits maison, par mon conjoint et moi, et livrés à leur domicile, en leur demandant de mettre une nappe des chandelles en nous attendant Ils étaient très surpris et je crois, heureux…
Sylvie
Duchesne Guylaine dit
Bonjour Julie, merci pour ta bonne action qui a créé un déclenchement pour notre beau-frère. La famille proche est pas toujours écouté par les personnes malades psychologiquement. Depuis ses 65 ans , il a arrêté sa médication et il a décidé de vivre ses rêves a sa façon. Le plus hot Julie est que nous nous connaissons Mario est le frère de Joris. Ça me fais plaisir de revoir ton beau visage qui est le portrait de ta mère. Continu ton beau travail . Mes salutations à ta famille et Joyeuses Fêtes! Guylaine.
Parce que je n’étais pas publié j’ai cru que tu n’avais pas reçu mon message hier. Est-ce le cas?
Julie dit
Merci Guylaine, ma mère m’avait raconté votre lien avec Mario. Quelle joie de savoir qu’il a pu aller se soigner. Merci pour votre message ❤️
Guylaine Duchesne dit
Oui,il est à l’hôpital pour au moins deux mois. .Je n’entrerai pas dans les détails. Mais le plus hot est que le foulard rouge qui a été mis en gros plan par T V A. Appartenait à Eloïse ,c’est un souvenir d’elle qu’on lui a laissé. J’aimerais bien que tu m’expliques où est situé cette cabane. Merci! A plus. Xxx
Julie dit
Ah oui ? C’est touchant ça… La cabane est situé dans le parc linéaire de la rivière Saint-Charles, tout près de l’entrée sur Père Lelièvre. Pour plus de détails, vous pouvez m’envoyer un message perso dans la section « m’écrire », je pourrai vous en dire plus.
Lucie Leclerc dit
Wow ! Merci Julie pour ce beau partage qui résume tellement bien l’essence de Noël. Tu es bénissante et je prie Dieu de continuer Son oeuvre en toi. J’ai toujours trouvé, même si on ne se connaît pas très bien, que tu dégageais une lumière inspirante. Et je profite de ce moment pour te le dire et remercier Dieu pour ce qu’Il fait à travers ton énergie et ton humilité. Joyeux Noël à toi et à toute ta belle famille. xx
Julie dit
Merci beaucoup Lucie ! De très joyeuses fêtes à vous aussi !
Nicole Hébert dit
C’est absolument invraisemblable….
Ca me touche profondément…
Tu as laissé le coeur parlé plus fort que la raison ….
Maintenant , prions que ce monsieur trouve une vie nouvelle …
Merci Julie …..
Marie-Hélène Lavoie dit
Joyeux Noël à toi aussi Julie. Merci pour ce beau texte plein d’espoir.
Christine dit
Wow! Je suis tellement fière de toi ma soeur! Quelle belle aventure! Ça nous donne envie d’en vivre des similaires!