Que fait une petite enseignante de 1ère année quand l’étape tire à sa fin et que la tempête fait rage?
Elle corrige. Elle corrige. Elle entre des notes. Elle blogue un tantinet (ça, c’est pas raisonnable). Elle corrige encore un petit coup. Avec un peu de chance, elle termine ses bulletins. Et VLAN, à nouveau, elle remet tout en question !
Après cette orgie de corrections, les forces et les faiblesses de chacun de nos élèves nous semblent tout à coup frappantes! On serait en droit d’espérer que nos fabuleux bulletins rendront compte aux parents de tous ces constats que nous venons de faire. Mais voilà que ce superbe bulletin (prescrit par le ministère, je vous le rappelle), ne dit ABSOLUMENT rien!!!
Il y est dit que votre Ti-Pet lit à 85%, qu’il écrit à 67%. Il raisonne à 78% et qu’il communique à 30%…. Euhhhh, c’est quoi écrire à 67%?
Le plus triste, c’est que moi, j’ en sais bien plus au sujet de Ti-Pet que ce qui sera écrit sur son bulletin! On ne me donne juste pas l’occasion de l’indiquer quelque part!
Cet enfant qui écrit à 67%, moi je pourrais vous dire qu’il a une belle calligraphie, qu’il sait utiliser les sons des lettres adéquatement mais qu’il ne connaît pas bien ses mots de vocabulaire et qu’il a de la difficulté à faire des phrases complètes.
Ou encore, qu’il a de belles idées, bien structurées, mais que son écriture est illisible et qu’il a de la difficulté à écrire « au son » les mots qu’il ne connaît pas.
Idem en mathématiques : Celui qui raisonne à 78%, peut-être qu’il calcule comme un chef mais ne sait pas mesurer? Peut-être qu’il reconnait tous les solides mais compte difficilement jusqu’à 50?
Quand j’étais une toute petite Julie bien frisée, mon bulletin avait six pages. Quand mes parents avaient fini de le consulter, ils connaissaient très bien les défis qui étaient devant moi .
– Ok Julie, on va travailler la calligraphie, tu as eu un D! Ah et ton professeur a mis un C dans la case « je lève la main pour parler », il faudra y voir.
On y détaillait tous les savoirs travaillés : le calcul de l’aire ou du volume, l’orthographe, la syntaxe, la mesure, etc….
Comment en est-on arrivés à ces insipides bulletins muets?Ah! Oui! Je me rappelle! Les compétences! La réforme! C’est ça?
Comprenez-moi bien, je suis absolument en faveur de développer des compétences chez nos petits! À quoi nous sert une connaissance si on n’est pas en mesure de l’utiliser et d’y avoir recourt. Je comprends l’idée, je pige! Mais est-ce que ça nous oblige à pondre des bulletins aussi insignifiants?
Même si nos chers bureaucrates tiennent mordicus au joli mot « compétence », qu’est-ce qui nous empêcherait de dire aux parents si leur enfant est compétent pour mesurer? Pour utiliser ses mots de vocabulaire? Pour écrire un texte qui se tient? Pour fabriquer de belles phrases complètes?
Si je débarquais demain dans le bureau de ma directrice (oh combien merveilleuse directrice, j’en profite pour le dire) avec l’idée d’avoir l’heure juste sur mes compétences dans mon travail d’enseignante, il est fort possible que ma déception soit grandiose si elle avait le malheur de me dire:
– Julie, pour enseigner, tu es compétente à 85.5%.
MAIS ENCORE?!!!!
Qu’est-ce que je fais de bien? Qu’est-ce que je dois travailler? Peut-être que je suis super pour rencontrer les parents mais pas assez exigeante dans les apprentissages? Peut-être que j’ai une magnifique gestion de classe mais que je m’habille comme un clown? Je veux savoir!
Plusieurs auront peut-être scandaleusement pensé que ces bulletins (si on peut les appeler ainsi) font notre affaire à nous les profs… Même pas dix notes à rentrer et le tour est joué!!!
Je le dis et le redis, ce n’est pas la quantité de travail qui nous épuise, c’est le manque d’outils adéquats et de ressources qui minent les troupes.
Je prendrais avec joie deux heures de plus pour faire mes bulletins si je savais que je pourrai au moins y dire quelque chose qui puisse aider les enfants à progresser!
Je rentre mes notes et j’ai soudain une envie incontrôlable d’écrire 500 mots dans chacune des sections « commentaires », comme pour compenser la pauvreté du contenu du bulletin. Mais ça aussi c’est interdit. Il n’y rentre même pas 100 mots. Et il faut bien garder un peu de place pour vous parler du comportement et de la motivation de votre enfant… Un autre détail qui mériterait une page complète à mon avis!
À tous mes collègues qui corrigent et « bulletinisent » aujourd’hui, je vous offre ce petit article parce qu’une frustration est souvent moins lourde lorsqu’elle est partagée…. Et, qui sait, peut-être qu’un ministre ou un bureaucrate mettra un jour le nez dans mes joyeuses catastrophes et aura envie de faire changer les choses! (Si vous en connaissez un, c’est le temps de partager, ha! Ha!).
Et à tous les parents qui recevront la semaine prochaine ce bulletin supposé vous dire quelque chose, sachez que j’aurais aimé vous en dire tellement plus! Heureusement, on peut toujours prendre rendez-vous!
Bonne journée de tempête et d’amour (ben oui, on est le 14 février…)!
Bien que je ne cautionne pas tous ses écrits, ce billet du « prof maudit » dépeint assez bien les fins d’étape: I will survive
Emilie dit
c’est pas la faute aux compétences…
Où j’enseigne, on a les bulletins descriptifs, les savoirs travaillés sont bien détaillés et y situe très bien l’enfant. Pas de pourcentage non plus et beaubou d’espace pour écrire des commentaires.
Julie dit
Bonjour Emilie. Enseignez-vous au Québec? Depuis 2011, le bulletin uniforme est prescrit par le ministère de l’éducation, non?! Pareil pour tous et avec des notes uniquement. À moins que je me trompe, mais là, je tombe des nues! Je suis bien curieuse concernant votre bulletin…
Mélissa dit
Moi aussi! Votre billet traduit superbement ma pensée. Mes parents m’ont appris à ne pas travailler à moitié. J’ai malheureusement cette impression quand vient le temps de remplir un bulletin…