J’ai croisé une grand-maman cette semaine. Elle venait porter son petit-fils à la garderie. Une grand-maman moderne, une grand-maman sans cheveux blancs. Des vêtements qui auraient pu être les miens. Un visage qui tente de garder le secret sur son âge et que bien peu de rides viennent trahir.
Mes grands-mamans à moi, elles portaient de grandes robes fleuries. Quand elles n’avaient pas les cheveux gris, c’est qu’elles avaient essayé de les teindre et qu’ils avaient virés au mauve, ce qui nous faisait bien rigoler. Elles avaient des dentiers et quelques plombages en or. Rien de subtil, rien qui puisse les faire paraître plus jeunes. Elles se maquillaient peu, parfois un petit rouge à lèvre pimpant, lors des grandes occasions. Elles avaient des gros bas de support couleur chair et des souliers à talon carré. Nous savions qu’elles étaient vieilles et ce n’était pas un problème.
Aujourd’hui, je payerais pour les ramener mes grands-mamans. Parce qu’à l’époque où je les avais près de moi, j’étais trop jeune et futile pour entendre ce qu’elles avaient à me dire. Se faire raconter les saveurs de la vie quand on n’y pas encore trempé les lèvres, c’est un peu prématuré… Maintenant que j’ai quelques années derrière moi, j’aimerais savoir quelle était leur interprétation du monde. Que savaient-elles de l’amour? Des enfants? Quelle était leur meilleure recette? Leur pire gaffe à vie? Leur plus grand secret, leur plus grand regret?
Où est passée la vieillesse de nos jours? On l’a enfouie sous le tapis, derrière des couches de crèmes, d’opérations et de relookings… Je ne revendique pas forcément un retour aux grandes robes à pois et aux cheveux courts et sans vie, mais je me demande si, dans tout ce beau ménage, nous n’avons pas balayé du revers de la main la valeur qui vient avec l’âge. Tous ces cheveux teints ont-ils préservée la sagesse des authentiques cheveux blancs?
Le précieux de l’âge, c’est le vécu, l’expérience, les erreurs, les pardons, le savoir. Tous ces petits évènements qui nous changent. Les grands-mamans d’aujourd’hui ont encore l’âme chargée de ces trésors, mais ont peut-être perdu une part de leur titre et de leur crédibilité.
Les têtes grises m’attirent, bien que j’en croise rarement, et si j’en avais l’audace, je leur poserais mes questions à tous ces gens du bel âge que je rencontre. Je n’ose pas. Je risquerais de recevoir un coup de sacoche par la tête parce que j’aurais osé dire à une vieille dame qu’elle est vieille…
Et si ce n’était pas une insulte? Et si c’était de l’admiration…
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