La plupart du temps, mes enfants ne font pas la différence entre une vulgaire babiole trouvée au magasin du dollar et un jouet pédagogique de valeur chèrement payé chez Toys »R »Us…
Aussi , lorsque je fais mes emplettes en leur bruyante compagnie, j’accorde très peu de crédit à leurs réclamations et suggestions d’achats. Je refroidis régulièrement leurs ardeurs lorsqu’ils s’émoustillent devant diverses « bébelles » qu’ils semblent tant vouloir mais qui, en plus de coûter indécemment cher, n’enflammeront leurs passions qu’une grosse demie-journée avant d’être reléguées aux oubliettes. Clairement, ils ne semblent pas en mesure de juger de ce qui est un « bon achat ».
Mais voilà que certains ne semblent pas de cet avis. Sur Télétoon, Yoopa et j’en passe, on a décidé que nos enfants étaient « prêts » pour un peu de publicité. Bien sûr, on ne leur présente pas des « Froot Loops » et du chocolat, ce serait illégal. On leur présente un tas de produits aucunement en lien avec leur vécu et leur enfance innocente. On a le droit de croire, alors, que ces publicités n’auront aucun impact sur eux…
C’est ce que je croyais, naïve, jusqu’à tout récemment. Le matin, mes enfants sont autorisés à écouter les « bonhommes » jusqu’à notre réveil. Dernièrement, ils ont troqué CanalDisney pour Télétoon Rétro…Et c’est là que tout a commencé.
La séance d’épicerie hebdomadaire tirait à sa fin. Séance tumultueuse en raison des trois petites frimousses agrippées, chacun à leur manière, à mon panier plein à craquer. Et oui, il m’arrive d’être en proie à des élans de masochisme qui me poussent à trimbaler toute la marmaille à l’épicerie! Bien que j’y ai maintes fois vécu des catastrophes nationales (des couches débordantes, des pleurs de bébé, du vomi dans l’allée, un panier renversé et j’en passe…), il y a une certaine poussée d’adrénaline lorsqu’on sort de l’épicerie et qu’on constate, surprise, qu’on a survécu! C’est sans doute ce qui me pousse à la récidive…
Mais bref, j’étais à deux doigts de la poussée d’adrénaline lorsque ma plus grande me demanda :
– Maman, qu’est-ce qui nous manque?
– Du savon pour le lave-vaisselle, que je lui répondis.
– Tu veux dire du détergent?
– …Eh… Oui, du détergent.
– Comme du « Finish Quantum »?
C’est à ce moment que mon fils, les yeux brillants, s’est joint à la discussion!
– Du « Finish Quantum » maman! On va en acheter!
Ils se sont alors précipités et, en un temps record, ont repéré le précieux produit dans l’allée et ont exécuté une touchante « danse de la joie » autour de celui-ci. Abasourdie devant leur enthousiasme démesuré, je n’ai même pas eu le temps d’ouvrir la bouche. J’ai eu droit à la suite de la publicité :
– « Finish Quantum » déloge toutes les saletés mieux que les autres détergents maman!
– Oui, c’est vraiment le meilleur! On l’a vu à la télé! On le prend, on le prend!
Quoique tentée par le super « Finish-Quantum », il n’était pas question que je leur donne raison! En bonne éducatrice que je suis, j’ai saisi l’occasion pour leur faire savoir qu’on ne doit pas croire tout ce qu’on voit à la télé! Que la marque maison allait faire tout aussi bien et coûtait moins cher…. Je ne vous dis pas leur déception. Ils sont sortis de l’épicerie, la mine basse, et je n’ai pu savourer aucune montée d’adrénaline. J’étais trop perturbée par ce qui venait de se passer. Mais je n’étais pas au bout de mes peines.
Quelques jours plus tard, après que mon cadet, trop absorbé dans ses jeux, ait décidé de se soulager sur le tapis du sous-sol, je suis parti à la recherche de « Febreze », accompagnée de ma grande fille. Mes recherches furent infructueuses et j’aboutis à la caisse avec une bouteille de « Lysol », solution de rechange. C’est alors que les yeux de ma princesse s’allumèrent. On aurait dit qu’elle venait d’apercevoir une licorne, un château doré, Fraisinette en personne… Mais non, elle venait de voir ma malheureuse bouteille.
– MAMAN! Est-ce que c’est bien du « Lysol »!!!?
– Oui ma chérie, c’est du « Lysol »…. Pourquoi?
– Maman, des centaines de milliers de canadiens en ont fait l’expérience! Veux-tu que je te dise ce qu’ils en ont pensé?
WHAT!!! Éducation prise 2, nouveau discours sur « ne pas croire tout ce qu’on entend à la télé » et retour à la maison dans la stupéfaction!
Le lendemain, croyant être à l’abri de leurs obsessions en restant tranquillement à la maison, j’ai entrepris de coiffer ma fille.
– Tu veux un chignon?
– Ben…maman…En fait je ne veux pas t’achaler avec ça…. Je sais que c’est pas nécessairement vrai mais…. Il existe un produit vraiment mieux pour faire des chignons que le tien. Le « Bun-Clip-Magic ». On peut l’ouvrir et le refermer. Le tien, on peut pas….
Visiblement, l’éducation en deux parties a porté quelques fruits mais, clairement, je ne suis pas à la hauteur contre ces images qui entrent, chaque matin, dans leurs petits cerveaux!
Mes enfants n’avaient jamais eu d’intérêt pour le savon à lave-vaisselle ou pour le chasse-odeur. Ils ne s’étaient jamais mêlé de ma manière de faire les chignons!
J’aimerais croire que ceux qui choisissent de gaver leurs petites cervelles de telles publicités pensent que seuls les parents porteront attention à leur message. Ou alors que ce sont tous des célibataires sans instruction qui croient dur comme fer que la capacité de jugement des enfants atteint son plein potentiel avant l’âge de 3 ans…. Mais je n’ai plus l’âge d’être aussi naïve. Je me dois donc d’être outrée (attention de bien rouler le « r » du mot outrée pour plus d’intensité). Outrée que des adultes, supposément sensés, prennent nos enfants en otages, passent par eux pour nous faire leurs messages! D’accord nous sommes une société de consommation et, dans une certaine mesure, nous nous y plaisons! Mais, SVP, pouvons-nous laisser nos enfants en dehors de ça.
En ce qui me concerne, Télétoon Rétro vient de prendre le bord!
Peut-être qu’ainsi, je pourrai moi-même choisir avec soin mon détergent à lave-vaisselle sans qu’un conseil de famille ne soit nécessaire!
C’est quoi ce monde tordu?
Frederic Raymond dit
Très savoureuses, et un brin dérangeantes, anecdotes! C’est fou comme nos petits sont des éponges. Quand j’étais petit, j’aimais écouter les postes anglais (même si je ne comprenais rien), car il y avait des pubs ciblées pour les enfants. Mais mes parents n’ont jamais voulu m’acheter la piste de course full hot qui faisait s’exclamer les garçons de la pub.