Ce matin, petit dimanche avant-midi d’avril, j’ai contemplé un magnifique spectacle. Et je ne parle pas des résultats de l’expérimentation de mon cadet intitulée : « Impact de la disposition généreuse de morceaux de papiers de toilettes dans mon bain.»… Ce qui arrive quand on trempe allègrement du papier de toilette dans le bain et qu’on en fait ensuite de belles montagnes… Ça aussi, c’était un spectacle, mais un peu moins beau. Plus mouillé disons.
Non, ce que j’ai vu qui m’a plongée dans la contemplation, c’est ma fille. Sa silhouette filiforme dans son petit léotard moulant, son chignon, bien haut et bien fier mais surtout, ses yeux de ballerine qui brillaient, à la fois d’excitation, de fierté et d’angoisse… Premier spectacle de ballet pour ma grande. J’y suis allée sans grandes attentes, juste avec le désir qu’elle vive un beau moment gratifiant.
Mais après le premier numéro, qui n’était même pas le sien, j’étais déjà aux prises avec mes émotions. Je sentais mes yeux devenir humides et j’avais du mal à m’expliquer ce qui m’arrivait. Les petites filles de 3-4 ans, bien bichonnées, tentaient de suivre la cadence. Certaines, plus expressives, avaient pris d’assaut la scène et semblaient improviser un spectacle bien à elles (dans le genre du danseur des Denis Drolet….). D’autres, craintives, ne quittaient pas leur professeure des yeux et essayaient, maladroitement, de reproduire tous les mouvements. Après quelques secondes, une petite ballerine visiblement épuisée s’est mise à bailler…C’était le comble du mignon.
Puis ce fut le tour de MA ballerine. Je pouvais lire sur son visage à quel point elle désirait bien faire. Concentrée, appliquée, elle a été admirable… Et moi je me suis mise à hoqueter. D’accord, je suis émotive depuis la seconde où j’ai vu le jour mais habituellement (excluant les 27 mois où j’ai été enceinte), je m’émotionne pour de bonnes raisons!!! J’étais forcée à l’analyse.
Plusieurs raisons poussent les parents à inscrire leur enfant à des cours de danse. J’imagine que la majorité veulent voir leur petite s’émanciper et vivre des réussites. Sans doute que d’autres, moins présents dans le quotidien de leur enfant, se déculpabilisent par une inscription à un cours. « Je travaille tard, je suis souvent au téléphone, mais je suis un bon parent, mon enfant suis des cours! » Après la grande tempête provoquée par la publication de mon article « 10 choses que les profs ne disent pas », voir tous ces parents, un petit dimanche avant-midi, se pâmer devant leurs petites, m’a fait franchement du bien. Ok, sans doute que le syndrome du « faire-valoir narcissique » évoqué par M. Parent était aussi présent dans la salle, mais n’empêche que ces parents pressés ont pris quelques heures pour venir dire à leur petite qu’elle vaut la peine d’être regardée, vue, félicitée.
Mais en ce qui nous concerne, l’inscription de notre fille a été motivée par le piètre lègue de mes capacités motrices.
Je n’ai jamais été habile, ni dans le sport, ni dans quoi que ce soit qui implique des habiletés motrices, même de base. Oubliez l’origami, le tricot, le billard… Au primaire, j’ai un souvenir pénible de mes cours d’éducation physique. Étrangement, la journée des olympiades, j’avais souvent un mal inexplicable dans tout le corps qui m’empêchait d’y participer. Je priais pour une tempête, de la grêle, un tremblement de terre, tout ce qui m’éviterait l’humiliation. Lorsque mes stratagèmes échouaient, je tentais de détourner l’attention en attachant mes espadrilles à ceux de ma voisine juste avant la course…. Plusieurs années plus tard, j’ai compris que les bienfaits de l’activité physique allaient bien au-delà de la performance.
Et voilà que ma petite, victime de sa malchance, n’est guère mieux que sa mère. Aux dernières compétitions de son école, elle a fini la course loin, loin derrière le peloton. Et pourtant, elle avait une belle détermination et avait couru autour du quartier avec son père plusieurs fois pour s’y préparer. Je craignais qu’à son tour, elle doive attendre 10-15 ans avant de pouvoir apprécier tout le bien-être lié à l’activité physique. Je l’ai donc prise par les tripes : du ballet, du rose, un tutu, des fleurs, tout ce qu’il fallait pour qu’elle y prenne plaisir. Je voulais qu’elle vive des expériences sportives positives et qu’elle s’en souvienne la prochaine fois qu’elle aurait à courir….
Et la voilà, fière et confiante, qui danse devant tous ces gens sans se douter qu’elle part avec des petits gènes qui lui donnent une longueur de retard…. Mission accomplie. C’est peut-être ce qui m’émeut. Autant la voir finir dernière à ces courses était un crève-cœur, autant il est enivrant de la regarder tourbillonner gracieusement sous les applaudissements. Elle en retiendra qu’elle est capable, qu’elle est douée, qu’elle est importante.
Espérons que cela fera le poids pour contrer 11 longues années à être choisie la dernière dans les équipes sportives. Qu’elle pourra, dans ces pénibles moments, se revoir, le chignon bien haut et entendre dans sa tête les applaudissements et les exclamations. Qu’elle se souviendra, quand les autres se moqueront, du visage de sa mère qui « pleurait de beau » sans trop se comprendre…
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Isabelle Allard (alias "madame Lafleur") dit
Bonjour Julie! Chouette de lire que tu as inscrite ta fille à un cours de danse. Je confirme que la danse emmène un autre angle à l’activité physique. Il n’est pas rare de voir un enfant peu doué en éducation physique réussir en danse, à cause de l’aspect musical qu’on ne retrouve pas dans les sports (sauf la gymnastique). J’entre dans cette catégorie…ainsi que mes fils. Peut-être qu’il en aurait été de même pour toi? Hi! Hi!
PS. Je déteste toujours le sport, alors que la dans me fait encore vibrer.
Ingrid dit
Bonjour Julie,
Tu as déjà écrit que tu n’aimes pas la polémique alors désolée mais je ne peux pas m’empêcher sur ce sujet d’ajouter un petit qq chose…
Mon fils fait de la danse, visiblement il a un peu près le même âge que ta fille. Je pleure à chaque spectacle. Et même quand il danse à la maison je suis si admirative de sa grâce et de sa beauté…
Bien sûr c’est le seul garçon… Et toutes les filles de son groupe sont blondes! Pas de brune : c’est quand remarquable! Le conditionnement commence vraiment très tôt! Ma fille est encore petite pour être inscrite la danse alors je ne sais pas si je le ferai… Si elle témoigne une vraie motivation, sans doute. Mais s’il ne tenait qu’à moi je l’inscrirai plutôt en sport de combat. Parce que les garçons sont aussi capable de danser que les filles et les filles peuvent faire des sports habituellement masculin elles aussi. Tu parles d’aptitudes physiques mais ta fille aurait pu faire d’autres pratiques, pas seulement la danse.
J’aime aller voir mon fils danser mais en même temps je resens toujours un malaise face à ces petites blondes habillées en rose…
Mon fils va sans doute vouloir arrêter bientôt, quand ses camarades d’école se moqueront de lui… Et qui sais, peut-être qu’il va continuer, mais j’en doute parce que je n’ai pas l’impression que les cours de danse favorisent la présence des garçons…
En tout pour l’instant il aime ça alors tant mieux!
Voilà, je voulais juste apporter une petite touche masculine à tout ce rose.
Bonne continuation!
maryse duquette dit
M’es tripes ont tourné un tour en te lisant. j’aime te lire cela me fait rire et pleurer, C’est bon signe !!!