Des vacances parfaites?

Ça y est, mission accomplie!  Les casiers sont vidés, toutes les petites étiquettes avec le nom des enfants sont soigneusement retirées, le ménage est fait, les affiches pédagogiques sont de retour dans les armoires…. C’est les vacances!!!

On rentre à la maison, on met la musique dans le piton, on boit un peu de sangria et on attend la vague interne de satisfaction supposée nous envahir à l’instant!

Depuis quelques années, les vacances me portent beaucoup à réfléchir.  Et avec raison! Quand on arrête finalement notre course folle,  quand on arrive à ce moment béni ou tout est possible, on a envie que tout soit parfait!  Les vacances n’ont pas le droit d’être ratées.  Il faut du soleil, pas de microbes, de belles activités, pas trop de chicane et surtout, pitié,  aucune catastrophe qui nous obligerait à annuler ce qui était prévu!

Quant aux manières de meubler les vacances, elles sont considérablement différentes d’une personne à l’autre.  Il y a les « adeptes du calme », pour ne pas dire de l’absolu silence!  On débranche le téléphone, on part au chalet, pas de télé, pas de radio et surtout, on ne fait RIEN!  On s’installe sur la galerie et on contemple le spectacle.

À l’autre extrême, on retrouve les « qu’est-ce qu’on fait? ».  Ces gens qui ont  besoin d’un maximum de stimulation pour ne pas avoir l’impression de « gaspiller » le temps.   Où on va, qu’est-ce qu’on visite, chez qui on s’arrête en chemin?….

Quelque part entre les deux,  se trouvent les adeptes du « moment présent ».  Peut-être bien qu’on fera quelques activités… On verra!

Ayant plutôt tendance à donner naturellement dans le « qu’est-ce qu’on fait ?»,  j’ai tenté, depuis quelques années,  une conversion contre-nature vers le clan des « adeptes du calme ».   Puisqu’on court toute l’année, puisqu’on est tout le temps hyper-stimulés, est-ce que les vacances  ne devraient pas être un moment pour, drastiquement, s’arrêter?!

J’ai essayé.  Trouver un bon livre, ne rien prévoir, savourer le moment, ne rien faire….  J’ai survécu une demi-journée.  Une grosse demi-journée!  Et puis, la question est revenue en force: QU’EST-CE QU’ON FAIT?!

En y pensant bien, je n’ai jamais été douée pour le « farniente ».   J’entends encore la douce voix de ma maman qui, dans ma jeunesse, me disait :

«  Julie, tu en fais trop! »

Je disais oui à tout, me plongeant constamment dans l’action.  Équipe de basketball, piano, chorale, présidence de classe, comité de groupe de jeunesse, animation de camp d’été, j’étais partout, toujours en action.

Maman s’inquiétait pour rien.  J’étais bien dans l’action.  Alors me demander aujourd’hui d’être bien dans le calme plat, ce serait me dénaturer outre mesure.   Donc, question vacances, je me suis retrouvée fort confuse!

Jusqu’à l’été dernier.  Été ou mon incomparable beau-frère m’a offert une croustillante réponse!  Pour ne pas dire une révélation.

Nous avions entrepris de vivre une semaine de camping  dans Charlevoix avec mon beau-frère, ma belle-sœur et leurs deux enfants.  Évidemment, je m’étais assurée que nous aurions quelque chose « à faire ».  Qui dit Charlevoix dit baleines, évidemment!  En intelligents consommateurs, nous avons préalablement acheté nos billets à rabais.  Le jour venu,  nous avions environ une heure de route à faire pour nous rendre au bateau.

Une fois toute la marmaille, bien excitée, entassée dans nos deux autos, nous avons quitté le camping vers cette SUPER-ACTIVITÉ qui n’avait pas le choix d’être formidable!  Bien que la route à prendre semblait assez évidente, nous venions d’acquérir un merveilleux GPS et avons décidé, en tant que meneurs du périple, de suivre ses instructions.   Nous avions encore cette naïveté, celle du nouveau consommateur qui croit que le GPS a toujours raison!  Ainsi nous n’avons pas contesté son autorité quand il nous a conduits vers de petites routes douteuses.  Après plusieurs minutes de chemins sinueux et improbables, nous avons commencé à craindre le pire.  Et si le GPS avait tort?  Si nous devions nous rendre à l’évidence et rebrousser chemin?  Un seul regard à ma montre et j’ai senti la panique monter doucement.  Nous n’avions pas le temps de rebrousser chemin!  S’il fallait que cette route ne soit pas la bonne, nous étions foutus!  Pas de baleines, nous allions manquer le bateau, perdre notre temps et notre argent!   Cette option était inenvisageable, il FALLAIT que le GPS ait raison!

Nous nous sommes entêtés à y croire jusqu’à ce que le pavé asphalté se transforme en gravelle et que les arbres nous entourent de tous les côtés….

Mon beau-frère nous a alors fait signe de s’arrêter.

–           On est dans le champ, on va se retourner, c’est sûr que c’est pas par ici…

Il était calme, zen, souriant.

Et moi, en grande hystérique, je lui ai répondu, sans laisser place à la réplique :

–           Non, si on retourne on manque les baleines!  On n’a pas le choix, ça va finir par déboucher, on continue sinon c’est foutu!

–          Julie, on oublie les baleines, c’est pas grave, on fera un pique-nique sur le bord du fleuve.

Quoi?!  Un pique-nique sur le bord du fleuve!  On a payé près de 100$ pour cette super-excursion!  Les enfants ont vraiment hâte de voir les baleines!   Un pique-nique!?

Dans ma voiture, c’est la panique!  Mon sympathique mari accepte de continuer un peu, surtout pour me faire plaisir.  Mes enfants sont anxieux « Est-ce qu’on va rater les baleines mamans? ».  Moi, j’ai le cœur qui bat à tout rompre, je sue à grosses goûtes et mon cerveau cherche inlassablement une solution à cette impasse.   Et puis soudain, c’est la catastrophe!  La route….n’est plus une route.   C’est un trou de bouette géant qui aboutit à…une clôture!  Arrêt numéro 2, je dois me rendre à l’évidence, mon beau-frère avait raison.  Il va être furieux que je me sois entêtée.  Tout le monde va être tellement déçu.  Quel fiasco.

Mais voilà que mon beau-frère a toujours son sourire.  Je jette un coup d’œil dans sa voiture et je ne vois aucune panique à l’horizon.  Ma belle-sœur relaxe, les pieds sur le dash, mon neveu et ma nièce rigolent, s’amusent comme si de rien n’était.

–          Autant en rire! qu’ils me disent.

C’est alors que j’ai été frappée par cette grande révélation :

NOTRE BONHEUR NE DEVRAIT PAS DÉPENDRE DES CIRCONSTANCES!

Facile à dire, vous me direz!  Et pourtant, c’est possible.  Je l’ai vu de mes yeux, cette petite famille toute heureuse de faire une balade imprévue dans des sentiers boueux, sachant très bien qu’ils ne verront pas de baleines.  Ils continuent de croire que cette journée sera bonne et belle…  Elle l’est déjà à leurs yeux!

Un coup d’œil à ma voiture et je comprends que j’ai tout faux.  Mes enfants sont en larmes, mon mari est sur le stress et moi je n’arrive même plus à nommer mes émotions.

Des activités, d’accord.  Mais jamais au prix de notre bonheur.  Si on voit des baleines, super!  Si on ne voit pas de baleines….Super quand même!  S’il pleut, super aussi.   On est perdus….. D’accord, il y a certainement moyen d’en rire!

Le secret des vacances, ce n’est pas de prévoir ou non des activités, c’est juste de ne pas leur donner plus de valeur qu’elles en ont vraiment.   Ce qui fait la joie des vacances, c’est surtout d’être ensemble. Avoir enfin le temps d’être ensemble….Indépendamment de ce qu’on fait ou ne fait pas.

Croyez-le ou non, nous avons, de peine et de misère, rebroussé chemin et avons réussi, par je ne sais quel miracle, à attraper notre bateau!  Ce ne fut pas une croisière mémorable.  Le brouillard était épais, le bébé était grognon et nous n’avons pas vu grand chose.  Mais la leçon que j’ai tirée cette journée-là valait cent fois le prix des billets!

Adeptes du calme, du « qu’est-ce qu’on fait? » ou du moment présent, soyez ce que vous êtes!    Les vacances parfaites existent pour tout le monde, quel que soit votre profil.   Tout est dans la façon de voir les choses!

Bonne vacances à tous!

Merci mon beau-frère….