Je suis née en avril 1980. Comme pour préparer mes parents à ce qui les attendait, je n’en ai fait qu’à ma tête : j’ai avalé le stérilet de ma mère et me suis méritée une place, inattendue, dans son utérus. J’étais bien en contrôle de la situation! Et mes parents, dociles, ont accepté ma présence sans riposter. Ils auraient bien d’autres occasions de s’astiner avec moi dans l’avenir.
Je n’étais pas la première à joindre les rangs de cette famille. J’avais une sœur aînée. Une sœur qui, d’abord, se donna le droit d’être un peu jalouse, me poussant dans les escaliers ou faisant passer ses bêtises sur mon dos, mais qui est vite devenue un agent de paix dans nos relations avec les parents. Dans nos nombreuses disputes, elle a vite compris qu’il ne valait pas trop la peine de débattre avec moi. Elle se sacrifiait souvent, me laissait faire à ma guise.
Pas toujours, évidemment. Parfois, quand je poussais vraiment la note, elle finissait par péter les plombs (pétage de plombs contrôlé et modéré, évidemment). Mais elle avait une patience tout à fait honorable… Quand je refusais de fermer la lumière le soir et qu’elle rêvait de dormir depuis longtemps. Quand je grimpais à l’échelle du lit à deux étages pour lui jouer tout mon répertoire de tours plates alors qu’elle désirait ardemment finir dans les bras de Morphée. Quand on se disputait la même amie (qui finissait presque toujours par choisir ma sœur, j’imagine qu’elle savait mieux s’y prendre avec les amies). Elle tâchait toujours de faire des compromis pour éviter les escalades et les conflits.
3 ans après ma naissance est arrivé un troisième joueur. J’ai aussi un frère. Comme toute bonne petite fille, j’ai eu envie d’en faire ma poupée. Mais dès qu’il a pu se défendre, il m’a fait comprendre qu’il n’était pas un jouet. Certainement plus prompt que mon aînée, il était un adversaire plus féroce et plus coriace. Il ne supportait pas que je pratique mon piano. Je détestais l’ensemble de ses bruits corporels. Surtout ceux qu’il faisait en mangeant et en dormant. Alors, il se faisait un plaisir de les amplifier pour profiter du spectacle d’une Julie hystérique qu’on finit par envoyer dans sa chambre!
Ce n’était pas toujours rose. Et pourtant, je ne peux pas imaginer une seconde ce qu’aurait été ma vie sans eux. Personne au monde ne partage avec moi autant de précieux souvenirs. Les séjours au chalet. Les Fraggle Rocks. « Quand je vois les fleurs des champs » que nous chantait maman. Les longues heures à reproduire les dessins des timbres de collection. La machine de Snoopy pour faire de la « slush ». Le trouble que nous faisions à nos gardiennes. Les « toasts » dans la poêle de grand-maman. La cachette à biscuits Goglus. Les spectacles que nous présentions à la visite pour la modique somme de 25 cents par tête. Etc, etc, etc…
Je suis tombée dernièrement sur ce court métrage qui prend à la gorge. Attention, cœurs sensibles, s’abstenir (ou être prêt à assumer le déluge et le flot de morve).
Bien sûr que cette petite fille violentée qui se promène d’une famille à l’autre, la rage au cœur, m’a fait craquer. Pas seulement pour les coups qu’elle encaisse ou pour le combat qu’elle mène pour recommencer à croire en la vie. Pour moi, le temps s’est arrêté au moment où elle a été séparée de son frère.
J’ai, à la maison, une petite fille de huit ans qui est, pour son petit frère, une deuxième maman.
Il a deux ans et demi. Le matin, lorsqu’il fredonne pour nous faire savoir qu’il est réveillé, c’est sa grande sœur qui vient le trouver.
Elle le prend dans ses bras, elle l’amène à la cuisine. De notre lit, on entend alors :
– Tu veux des céréales? Du gruau? Assis-toi mon coco, je vais t’apporter du jus.
Elle le fait rire, lui apprend des nouveaux mots. Le soir, quand vient l’heure de dormir, elle donnerait tout pour avoir le privilège de coucher son petit frère. Non satisfaite de lui chanter des berceuses, elle en invente pour lui, paroles et musique. Elle lui lit des histoires, le flatte, le fait sentir bien.
Quand elle le quitte, il proteste. Il voudrait la garder avec lui. Toute la nuit.
Quand je suis tombée sur ce film, je me suis dit qu’il ne faudrait jamais, jamais, JAMAIS que mes enfants soient séparés. Parce que ma grande ressentirait sans aucun doute la même douleur que ressent une maman à qui on arrache son enfant.
J’en ai trois des marmots. Une belle fratrie qui grouille, qui gronde, qui grogne parfois. Il leur arrive de se dire qu’ils se détestent ou de se permettre le grand classique du « Je ne joue plus jamais avec toi »! Mais la vérité c’est que, tout comme moi avec mon frère et ma soeur, ils ne s’imagineraient pas vivre les uns sans les autres.
Je tolère mieux les « Arrêêeeteeeee! » et les cris de toutes sortes qui habitent notre quotidien quand je pense à la valeur inestimable de ce trésor qu’on leur a donné. Le bonheur de n’être pas seul. L’incomparable richesse de partager toute notre enfance avec un frère, une sœur.
Heureusement, il n’y a jamais eu de rancune entre moi, mon frère et ma sœur. Pas de déplorable « chicane de famille » s’étendant sur des années. Je sais par, contre, que ça arrive souvent. C’est peut-être le temps, pour certains, de déposer les armes et de se trouver chanceux de « s’avoir »…
Mon frère, ma sœur, une chance qu’on « s’a ».
J’espère voir mes enfants grandir en mettant de côté, tout comme nous l’avons fait, les petites disputes fraternelles de l’enfance, et former un trio tout aussi beau que celui que nous sommes.
Parce que, disons-le, une famille où l’on cultive la paix, ça n’a pas de prix.
Isabelle dit
Etienne, Laura, François : je vous aime. XXX
Frankie_Dee dit
Moi aussi, je t’aime Isa (pis les autres…) =o)
Lo dit
Moi aussi je vous aime! Vraiment beaucoup!
Céline dit
« Heureuse de savoir » que vous tenez l’un à l’autre!
Mom.