Chaque année, le jour de l’an fait naître en moi un besoin criant, toujours le même. Et non, je ne parle pas de ces foutues « résolutions » de manger moins de patates, de rester calme dans le trafic ou d’appeler mes amies plus souvent. Ce n’est rien contre vous, mes chères amies, c’est juste que les résolutions, à mon humble avis, doivent naître d’expériences significatives pour être valides et durables. Se donner « une mission » entre deux rigodons n’a jamais changé le monde! Mais non, en ce qui me concerne, le jour de l’an me pousse irrémédiablement à faire du ménage.
Du vrai ménage. Pas un futile époussetage des calorifères ou un reclassement par ordre de grandeur de mes plats Tupperware. Non, non. Je parle ici de ressortir des cartes de Noël vieilles de 15 ans et des photos que des élèves m’ont données, alors que j’étais encore une petite stagiaire sans pertinence, avec de petits messages derrière :
« Madam Julie tu va ète un supere prof. Mèrsi de nou fère des surprise. Je t’aime ».
Ce genre de ménage force aux constats. Constats parfois douloureux, parfois rassurants, parfois insignifiants. Si vous me le permettez, j’aimerais vous partager mes constats 2012 :
Constat no.1 : J’ai déjà été très très intelligente.
Je parle souvent, autour de moi, de cette étrange impression de perdre une partie de mon cerveau chaque fois qu’un enfant sort de mon ventre. Comme si la présence de l’enfant dans la vie de sa maman s’inscrivait dans une partie de son cerveau, la rendant du coup inutilisable pour autre chose. Avant d’être une maman, je n’oubliais rien (ou presque), j’avais un raisonnement logique impressionnant et j’étais encore de compétition dans les jeux de société (ceux qui demandent un peu d’intelligence, on s’entend). En ouvrant aujourd’hui les quelques boîtes contenant mes examens, travaux et notes de cours de ma maternelle à la fin de mes études universitaires, j’ai eu la preuve que cette impression de « dévalorisation du cerveau » était bien réelle. Je n’ai ABSOLUMENT rien compris à mes examens de mathématiques du cégep. Je suis en admiration profonde devant cette « Julie » qui a résolu avec brio ces problèmes qui n’évoquent plus rien dans ce qui me reste de cerveau. Et cette «Julie» qui rédigeait de splendides travaux longs que j’ai dévorés avec grand intérêt, comme si je les lisais pour la première fois. « Les effets de la puberté sur la capacité à apprendre. Analyse comparative des écrits de Kant et de Sartre. Évaluation formative selon les tempéraments » . Bon sens, je dois le dire, je lis tout ça et je me trouve vachement brillante!… Mais je ne m’y reconnais pas. Voilà ce que fait le temps, il nous transforme. Et ces vieilles boîtes sont, en quelque sorte, le récit de ces transformations.
Constat no.2 : Le nombre d’élèves qui se sont assis devant moi avec les années commence à être impressionnant.
Lorsque nos premiers élèves, après une année en notre compagnie, nous remettent avec affection leur petite photo d’école, on se dit d’abord que ce n’est pas nécessaire, qu’on ne pourra jamais les oublier. Et puis on se retrouve, 8 ans plus tard, à essayer de mettre un nom sur leur petite bouille sympathique. Pas parce qu’ils n’ont pas été importants pour nous, juste parce que le temps passe et que près de 200 petites binettes leurs ont succédés. C’est fou de penser au nombre d’enfants qu’on aura aimés et cotoyés à la fin de notre carrière. Quel privilège immense, quand on y pense! Et quelle bonne idée d’avoir gardé leurs photos…
Dernier constat: L’intelligence émotionnelle, contrairement à la mémoire, croît avec l’âge!
Autant je peux être fière de mes travaux scolaires, autant la lecture de ma correspondance avec mes amies ou de mon journal personnel me donnent envie de me cacher sous mon lit et de n’en plus sortir. J’ai lu d’horribles lettres où j’essaie de justifier à ma deuxième meilleure amie pourquoi elle n’est pas meilleure amie numéro 1! Des textes dramatiques et consternants qui expliquent comment je me sens parce que mon amie m’a ignorée aujourd’hui. Pitié! Heureusement, dans ce domaine, l’expérience est un plus-value et les cheveux gris sont généralement le gage d’une belle évolution!
Sur ce, je vous encourage, en ce premier jour de 2013, à vous lancer dans un salutaire ménage qui vous mènera forcément à vos propres constants. D’ailleurs, si certains ont envie de les partager en réponse…ça m’intéresse!
Bonne année 2013!
Sara dit
J'ai fait l'exercice (ménage) et effectivement, tu as totalement raison. Je trouvais des projets que j'avais conçus quand je faisais mes stages. Hein? Comment j'ai fait pour devenir aussi nouille? Sais pas…
maryse duquette dit
tu écris si bien que tu nous émotionnes dans ton histoire .
admin dit
Merci Maryse, c'est vraiment gentil!
Karen dit
Et bien ma chère Julie, tu mets sûrement le doigt sur le phénomène d'une maman… Tu as tellement raison.. je suis retournée aux études pour faire un changement de carrière et je réalise qu'effectivement, les moyennes de 88%…. Ça n'existe plus quand tu es à l'école et que tu as une famille… Je me contente de 70% avec grande joie, car j'y mets tellement d'efforts. La joie de vieillir, c'est d'accumuler l'expérience qui ne se compare en rien à tous les livres du monde. Nous sommes beaucoup plus pratique et beaucoup moins intellectuelles.. C'est la vie on dirait….Tu es une femme formidable, continue de nous faire rire et réfléchir…xxx
admin dit
C'est bien vrai Karen, quoique l'on perde en vieillissant, on finit clairement gagnant! Bonne chance dans tes études, pour concilier la famille et tout! XXX