Comme plusieurs jeunes de ma génération, j’ai pleinement profité du contexte « plus détendu » dans lequel nos parents nous ont éduqués. À l’époque, on avait le droit de manger des bonbons ronds, de faire du vélo le soir jusqu’à pas d’heure, d’aller au dépanneur en traversant la petite rivière à pied ou d’aller cogner à la porte de la maison de notre choix pour savoir si un enfant y habitait et s’il désirait être notre ami. On ne nous parlait pas sans arrêt des quatre groupes alimentaires ou de notre courbe de croissance. Les vitamines Pierrafeu étaient LA solution. On se souciait peu de nos ongles noirs de terre ou de nos cheveux en broussaille après un tour sur la moto de Jean-Paul, l’oncle de l’ami du voisin.
Je suis souvent nostalgique quand je pense à cette belle époque et à la richesse des moments qu’elle nous a permis de vivre. J’adorais aller dans le champ pour attraper des dizaines de sauterelles, les mettre dans un sac et les écouter « faire le popcorn ». Arracher les fleurs des plates-bandes des voisines pour les offrir, candidement, à ma mère scandalisée. Entrer par effraction au zoo de Québec et atterrir parmi les poules et les paons pétrifiés.
Aujourd’hui, je m’imagine mal laisser ma fille ou mon garçon faire de la bicyclette seul plus loin que le coin de la rue. Ils n’iront pas au parc sans un adulte, ni même au dépanneur, avant d’avoir atteint l’âge de… vingt et un ans?! Si ce n’est pas moi qui m’inquiète pour leur courbe de croissance ou l’éventualité d’une effroyable carie, l’infirmière et le médecin se feront un plaisir de le faire pour moi. Je suis même confrontée à un dilemme quand ma fille de six ans me demande si elle peut aller jouer devant la maison. Je sais pourtant qu’elle n’ira pas dans la rue. Mais je sens tous ces regards accusateurs qui me scrutent, disant :
– Vous n’avez pas honte de laisser votre fille ainsi, à la merci des kidnappeurs et des agresseurs d’enfant ? Avez-vous déjà oublié la petite Cédrika?
Je me retrouve donc assise sur le gazon, à expliquer à ma fille combien la rue, le terrain et le monde sont pleins de dangers. Quelle place reste-t-il pour l’innocence, je vous le demande?
Pour connaître la suite, vous aurez besoin de ceci…
Il s’agit d’un extrait du chapitre « overdose d’innocence ».