– Alors le gros ours s’écrie : Qui a pété? Et le lapin, tout penaud, se cache derri….
DING- DONG!
La sonnerie de la porte interrompt le sublime conte pour enfant que je m’applique à raconter à mon petit dernier. L’histoire du soir, ce n’est pas toujours mon moment préféré. Pourtant, des livres, j’en mange! Mais je dois dire que certains soirs, livres ou pas, la virée des dodos et un peu longue à mon goût. Brossages de dents, couches, pyjamas, une histoire en haut, une histoire en bas, une dernière pour ma grande….
Ceci dit, ça reste un moment sacré. Un moment mis à part pour chacun de mes petits. Un à la fois. Alors, le fin finaud qui se trouve derrière ma porte a intérêt à se montrer plus qu’intéressant : il a osé interrompre l’histoire du soir!
Je descends l’escalier, mon petit sur les talons, tout excité de découvrir qui se cache derrière la porte… peut-être grand-maman? Un ami? Une matante?
– Bonsoir madame. Ha! Ça tombe bien, vous êtes une maman! Vous les mamans, vous ne prenez pas toujours le temps de prendre soin de vous. J’ai une super offre de traitement beauté à vous faire…
J’essaie d’avoir un visage sympathique mais je sens mon regard trahir mon irritation. Un colporteur! Il ne pouvait pas se cacher pire derrière ma porte. Même mon garçon de deux ans semble déçu. Question de ne pas lui faire perdre son temps, je m’empresse de mettre les choses au clair avec lui.
– Désolée, je ne suis pas intéressée.
Évidemment, il ne se laisse pas abattre.
– Mais madame, vous ne savez même pas encore ce que je veux vous offrir!
– Non, mais je sais que ça ne m’intéresse pas!
À ma grande surprise, il reste planté là, l’air contrarié. Il se met à respirer bruyamment et me lance, l’air méprisant.
– Quoi, vous voulez pas prendre soin de votre corps UN PEU?!
Là, il a franchi la limite. Je n’ai plus aucun filtre. Je lui réponds, du tact au tact :
– C’est ça, c’est parce que je suis juste une vieille crottée!!!
Et je referme la porte sans attendre.
Je ne suis pas bien fière de moi. D’habitude, j’aime me montrer sympathique. Mais les colporteurs, honnêtement, je supporte de moins en moins!
Tous ces gens qui se permettent de venir chez moi, sans invitation. D’appeler quand c’est pas la bonne heure (bref, c’est jamais la bonne heure de toute façon). D’insister pour me vendre des cossins et me faire sentir cheap ou niaiseuse parce que je ne saute pas sur l’occasion qu’ils ont créée de toute pièce et qui ne fait franchement pas mon affaire.
Les colporteurs et autres solliciteurs m’ont rendue sauvage. Je ne réponds presque plus au téléphone. En fait, nous avons abolie notre ligne résidentielle, ça règle le problème. Je ne me précipite plus pour répondre à la porte. Je ne cache presque plus ma déception quand je vois ces visages inconnus apparaître sur mon perron.
Évidemment, certains savent attirer ma sympathie plus que d’autres. Voici donc, juste pour en rire un peu, mon top 5 des colporteurs les plus rebutants :
- Ceux qui sonnent!
La plupart des gens qui sont à la maison un jour de semaine sont des mamans en congé de maternité, right? À moins d’arnaquer sérieusement le système, on peut supposer qu’elles ont donc avec elles un, voire des bébés, right? Et que font les bébés très très souvent : ils dorment!!! Alors le monsieur qui sonne à la porte, réveillant par la bande ma progéniture et me privant de mon unique pause quotidienne tant désirée et attendue est AUTOMATIQUEMENT privé de ma sympathique et se verra systématiquement REVIRÉ DE BORD . On ne sonne pas. On cogne. Point.
Pourtant, je suis une personne portée à l’empathie. J’aime venir en aide. Mais quand un homme avec une fausse dent en or, des cheveux gras et des yeux vitreux se présente à ma porte en me disant qu’il est un ancien malcommode , je ne peux m’empêcher de craindre que sa vieille nature ne refasse surface. J’ai peur de lui dire non ou de le contrarier. J’ai peur de son regard insistant et de ses yeux exorbités. J’ai aussi peur de sortir de l’argent devant lui. Alors bref, je me dis qu’il aurait bien plus de chance d’attirer ma compassion s’il se présentait à ma porte à une heure où je ne risque pas d’être seule et où je pourrais le laisser faire affaire (ou pas) avec mon homme…
- Les robots
Quand je vous fais l’honneur de vous ouvrir la porte, j’aime me retrouver face à un être humain. Pas à un pseudo-robot préprogrammé pour réciter son speech de vente et qui a une réponse toute faite pour chacune de mes répliques.
– Désolée, je suis pas intéressée
– Plusieurs personnes ont dit ne pas être intéressées et ont changé d’idée suite à la démonstration…
Ce genre de phrase insipide me donne envie de vomir. Tout comme :
– Je vois que votre maison est bien entretenue, vous devez être quelqu’un qui aime investir sur sa personne…
En ce qui me concerne, les robots n’ont aucune chance de succès. Soyez du vrai monde!
- Les enragés
Un jour d’été, alors que je pianotais sur mon portable au deuxième étage pendant le sacro-saint dodo des enfants, j’ai entendu des cris à l’extérieur qui m’ont inquiétée. En regardant par la fenêtre, j’ai vu un jeune homme sur le terrain de ma voisine qui criait (je vous épargnerai les détails de son vocabulaire grossier) en marchant d’un pas agressif. Inquiète, je l’ai suivi du regard et je l’ai vu foncer directement sur ma porte d’entrée…pas barrée! Mon instinct maternel a jailli et j’ai couru vers la porte pour essayer de la verrouiller avant qu’il ne l’atteigne.
Je nous imaginais déjà, moi et mes enfants, baignant dans notre sang, victimes de cet enragé qui se présentait à ma porte. J’ai verrouillé, puis j’ai attendu, mon cœur battant la chamade. Quand enfin, je me suis résignée à ouvrir la porte, j’ai trouvé, sur mon perron… Un Publi-Sac! Tout ça parce qu’un livreur de Publi-Sac s’était levé du mauvais pied! Le minimum, quand on se présente chez les gens, c’est d’être de bonne humeur (ou au moins, de faire semblant).
- Les arnaqueurs
Un jour, terrifiée à l’idée de dire non à un colporteur du type « épeurant » qui vendait nombre de bébelles dont des couteaux de cuisine (rien pour me rassurer), j’ai décidé d’assurer ma survie en lui achetant quelque chose pour ne pas l’insulter. La seule bébelle ayant suscité mon intérêt était une petite lampe de poche magnétique ronde pour le camping.
– Ça fera 25$, m’a-t-il dit, sans broncher.
Devant l’aberration de cette arnaque, j’ai mis mes peurs de côté et j’ai insisté.
Non, non, c’est vraiment trop cher.
– D’accord, je vais vous faire un spécial, juste pour vous. Je vais vous la vendre au prix coûtant. Je vous la fais à 10$!
Avec juste une idée en tête, soit de le voir quitter ma propriété au plus vite, j’ai déboursé le 10$ et ai pris possession de mon nouveau gadget.
Le soir venu, mon mari s’est bien foutu de moi, convaincu que je m’étais fait arnaquer royalement. La semaine suivante, j’ai dû lui donner raison…quand j’ai aperçu la fameuse lampe dans une allée de mon Dollorama préféré… Au prix coûtant qu’il disait?!
Dernièrement, après avoir subi quelques unes de mes montées de lait « anti-colporteurs », mon bel Adonis m’a suggéré d’acheter une affiche « Pas de colporteurs » pour mettre sur notre porte. J’ai été tentée. Mais je n’ai pas pu. Pourquoi? Et bien parce qu’il reste encore quelques personnes qui se présentent chez moi et qui attirent ma sympathie.
- Les enfants.
Je me souviens très bien, les longues heures à ratisser les quartiers quand j’étais jeune, mes gratteux en mains pour diverses campagnes de financement. Passer aux portes, quand on est petits, c’est apprendre la valeur de l’argent, la rigueur dans le travail, les relations humaines. Je ne peux pas leur fermer la porte au nez. Ils sont ce que j’étais il n’y a pas si longtemps. Je ne peux pas.
- Ceux qui ne demandent pas.
Il y a cet homme, dans la cinquantaine avancée qui, chaque vendredi, vient ouvrir le couvercle de ma boîte de recyclage à la recherche de quelques bouteilles vides. Il ne demande rien. Il marche sans se plaindre en traînant de lourds sacs remplis de ses récoltes.
Il m’est arrivé de me réveiller en entendant le son de ses bouteilles qui s’entrechoquaient et de courir après lui, en jaquette dans la rue, pour lui remettre l’ensemble des bouteilles consignées que nous gardions dans la maison.
Pourquoi lui? Il était à la limite épeurant lui aussi. Mais voilà: il ne demandait rien. Il avait l’humilité nécessaire pour se servir à même mon bac bleu. Il ne me parlait pas comme si je lui devais tout, n’essayait pas de me faire sentir coupable de ne pas l’aider ou idiote de ne pas connaître son produit. Il ne réveillait pas mes enfants, n’interrompait pas mon souper. Lui, je lui aurais acheté à peu près n’importe quoi…
Il n’y aura donc pas de pancarte anti-colporteur sur ma porte d’entrée. Mais je ne vous garantis en rien de la manière dont vous y serez reçus… Parce que, finalement, tout dépendra de vous!
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