Cette semaine, j’ai mis le point final à mon 4e manuscrit. Et avec cet accomplissement vient spontanément le désir de partager !
Dans ce nouveau roman, les histoires de Maxence, une chercheure en sciences médicales à l’aube de la mort, et d’Émilie, une jeune fille de 17 ans nouvellement enceinte, s’entrecroisent et se chevauchent. Pour finalement se fracasser l’une à l’autre de manière surprenante.
Je vous fais ici cadeau du premier chapitre, qu’en dites-vous ?
Maxence
Le jour de ma mort
Je suis née un premier janvier. À peine passés les 12 coups de minuit, j’ai poussé mon premier cri. Un peu en avance. Pressée de vivre. En tant que « bébé de l’année », j’ai fait la une des journaux. Mon visage bouffi, fripé par la naissance, a fait le tour de la province, moi qui étais pourtant sans mérite.
Aujourd’hui, je vais mourir. Un peu en avance, comme je suis née. Je sens ma vie qui s’égrène, mon souffle qui s’éteint. À chacune de mes respirations s’évade avec l’air un peu de ma vie. Il y déjà un moment que mon corps cri à l’aide. Tous mes organes sont à l’agonie. Mes lèvres se fendent comme une terre désertique, ma peau, couverte de tâches brunâtres, a perdu depuis longtemps sa souplesse.
Ce sera aujourd’hui, j’en suis certaine. Ce sera devant ceux qui me pleurent déjà et dont j’entrevois les visages dans le brouillard qui m’entoure.
Je suis bien jeune pour mourir, j’entre tout juste dans la cinquantaine. Mais on dit que ce qui compte, ce ne sont pas les années qu’il y a eu dans notre vie, mais la vie qu’il y a eu dans nos années. C’est Abraham Lincoln qui le disait. Quand même. De la vie dans mes années, il y en a eu ! Tout comme il y a eu de l’amour, des labeurs et des surprises. Une vie pleine et riche, c’est ce qui m’a été prêté. Et que je dois rendre aujourd’hui.
Alexis, mon amoureux, tient contre lui mon enfant spécial. Encore un enfant même s’il est presqu’un homme. Entassés dans le fauteuil droit près de mon lit, mon garçon a déposé sa tête sur l’épaule de son père qui l’entoure de ses bras. J’étends avec peine ma main vers lui et attrape les doigts de Gabriel que je dépose doucement sur ma chevelure, désormais rêche et fine. Instinctivement, mon garçon agrippe une mèche et la fait glisser entre son pouce et son majeur. Il répète ce geste machinalement, comme un vieillard se bercerait sur sa galerie, dans un mouvement réconfortant. Je l’entends qui « ronronne », comme il l’a toujours fait. Je sens une larme atterrir au coin de mon œil. Je souhaite qu’il se gave de réconfort avant que je ne le quitte.
Une douleur soudaine me traverse le ventre. Thomas, mon fils aîné, se raidit en m’entendant grommeler. Perché sur le rebord de la fenêtre depuis de longues minutes, il martèle nerveusement la céramique de ses doigts et s’agite à chacun de mes gémissements.
- Veux-tu plus de calmant ?
Alexis se penche sur moi et essaie de capter mon regard. Je sais qu’il pleure, je l’entends dans sa voix. Je refuse d’un mouvement de tête. De toute façon, je n’en ai plus pour longtemps…
Sur le fauteuil berçant, Mila pleure sans s’arrêter, son odeur de vanille errant dans la pièce, les échos de ses sanglots me ramenant des années en arrière, à l’époque où nous habitions ensemble.
Linda est repartie. Elle est restée longtemps, assise sur mon lit. Elle a serré ma main très fort.
- Je ne peux pas croire que tu vas partir avant moi…
Elle l’a répété, en boucle.
- C’est trop injuste. Je donnerais ma vie, maintenant, pour sauver la tienne.
Personne ne me sauvera. J’ai pris les quelques forces qui me restaient pour lui faire un sourire. Pour qu’elle ne se tourmente pas.
J’entends les souliers de ma mère qui font les cent pas dans le corridor. Ma mère, presque plus jeune que moi. Sa peau légèrement ridée, sa silhouette à peine épaissie. Ma mère qui se demande encore de quoi je pourrais bien avoir besoin. Qui gravite autour de moi sans jamais vraiment me toucher.
Comme elle l’a toujours fait.
Les minutes s’écoulent lentement. De la brume de mes pensées surgissent des images. Je me vois, grimpée sur mon premier vélo, partir en balade avec mon grand-père. Longer les chutes et me laisser mouiller par leur bruine fraîche. Je vois mon grand-père se retourner et me sourire, dans l’arc-en-ciel du bas des cascades.
L’infirmière scrute le moniteur avant d’affirmer que mon pouls est faible. Alexis me prend la main. J’entends ses mots d’amour sans pouvoir lui répondre.
- Est-ce qu’elle nous entend ? demande Thomas qui s’est finalement approché.
- Je ne sais pas, répond son père, je pense que oui.
Je vous entends, comme on entend un écho lointain.
De nouvelles images envahissent mon esprit. Mon premier appartement. La salle de bain si laide, tapissée de jaune et de beige. Le sentiment de liberté qui grandissait en parcourant les pièces une à une, Mila sur les talons.
Les pas de ma mère s’approchent. Je devine sa présence et je sens une larme chaude s’écraser contre mon cou immobile. Une larme qui en dit trop peu…
J’entends, comme s’ils étaient réels, les applaudissements dans ma tête. Ceux qui ont retenti suite à ma grande découverte. Celle qui me coûtera la vie, mais qui la redonnera à tant d’autres…
Je n’ai pas de regrets. Presque pas. Ma vie a été bonne. Et belle.
Soudain, une chaleur me prend, comme une vague. Je me sens aspirée hors de moi. Le moniteur retentit, Alexis s’effondre, en larmes. Je flotte un instant, au-dessus d’eux, dans une légèreté absolue.
C’est fini.
J’entre dans la lumière.
Mes autres romans:
Anne dit
Un 1er chapitre « parfait ». Le décor est planté, les uns et les autres se montrent déjà. La vie coule dans les lignes.
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Ginette Lachapelle dit
J’avais lu une publicitė concernant tes deux livres de 180 jours…comme c’est rassurant de te lire dans ton quotidien. Je suis une enseignante nouvellement à sa retraite et en te lisant, je m’aperçois que nous vivons tous la même chose, la même galère à chaque jour. Je suis dans l’avion en route pour Paris avec ma fille chérie et je savoure ma lecture du deuxième tome de 180 jours et le coeur plein. Continue à ėcrire; cela fait du bien au coeur. Merci!
Julie dit
Merci beaucoup Ginette !
Naomi Martel dit
J’hallucine,c’est impressionnnant comment en 1 chapitre on peut ressentir une vague d’émotion aussi intense. Tu as une facon d’écrire tellement authentique. J’ai un peu peur de la suite, je sens que ce sera passionnant, mais probablement très déchirant!
À quand un roman jeunesse pour que tes élèves puissent te lire ? Olivia-Kim à hâte de lire un roman de sa prof ! Un nouveau défi pour 2020, juste avant Noël pour un bon timming de vente hihihi ou hohoho !!
Bravo encore Julie ton 4ème roman est sur ma to do list !!!