– Julie, es-tu heureuse dans ton travail?
C’est ce que m’a demandé une collègue attentionnée suite à la lecture de mon dernier article. D’abord les 10 choses que les profs ne disent pas, ensuite les tabous de la fête de pères, puis ce dernier texte sur l’intégration des enfants à besoins spéciaux. En les consommant un après l’autre, j’avoue qu’il y a de quoi se poser la question!
Et pourtant, ma réponse a été instantanée, forte et sans retenue :
– Mais oui, bien sûr, J’AIME mon travail!
D’accord, les enfants ne vont pas toujours bien. Mais je suis la chanceuse qui peut être avec eux chaque jour, malgré tout!
L’Action de grâce est à nos portes. Rendre grâce, voilà un exercice que l’on néglige bien souvent! Alors aujourd’hui, j’ai eu envie de rendre grâce pour ce métier incroyable qui est le mien. Voici donc, les 10 choses que j’aime de mon métier :
- Créer mon petit monde.
Des adultes, il y en a plein l’école. Mais quand la porte de ma classe se ferme, c’est entre moi et les enfants! Pas de regards indiscrets, pas de politique, pas d’argent, pas de souci d’apparence. Ma classe est un petit monde parallèle, plein de couleurs, dans lequel j’utilise un langage spécial, pas comme ailleurs. Dans lequel je me permets de flatter des cheveux, de faire des blagues pas drôles (que les enfants riront juste parce que ça s’appelle une blague) et de m’enthousiasmer pour des riens. Un petit monde où l’innocence existe encore un peu.
2. La complicité des collègues
Hier, un charmant garçon de maternelle nous a servi tout un numéro dans le corridor. Heureusement, l’éducatrice était là pour l’assister alors qu’il criait et hurlait. Le raison de cette spectaculaire manifestation: sa bretelle de pantalon de neige qui « Fait toujours ça « ! Elle roule dans son dos, et ça lui déplaît. Alors il criait: « Pourquoi ?! Pourquoi elle fait toujours ça ! » en se lançant sur les murs. Et à ce moment même, les regards des 4 enseignantes présentes dans le corridor se sont croisés. Il ne fallait pas rire. Mais la complicité entre nous était aussi forte que notre intense envie d’éclater de rire. Cette complicité se poursuit après les classes, quand on se raconte nos meilleurs anecdotes. Et le matin, quand c’est plus difficile et qu’on a besoin d’un câlin, d’un café ou d’un coup de pied dans le derrière. Dans l’autobus, quand on part en sortie et que le niveau de bruit atteint les 130 décibels et qu’on craint l’invalidité auditive…
Bref, partager tous ces petits moments, ça n’a pas de prix.
3. Les moments cocasses
Ces petits moments si bons où toute la classe rit de bon cœur! Ils sont difficiles à raconter, c’est une question de timing, d’ambiance, de contexte. Comme le dit toujours mon mari « j’imagine qu’il fallait être là! » Parce que quand on le raconte, ce n’est plus vraiment drôle. Mais ces moments sont bien réels, les anecdotes des enfants bien croustillantes et j’aime, j’aime avoir un métier où le rire fait partie du quotidien.
4. Expliquer les vraies choses de la vie.
Bien sûr, c’est une partie du métier qui porte une lourde charge émotive. Les réalités dont nous devons discuter avec les élèves sont nombreuses et parfois bouleversantes. J’aime avoir la chance de leur expliquer, de les rassurer. Je suis souvent la première à mettre des mots ou des images sur des situations et des émotions qu’ils n’avaient pas encore explorées. Je me trouve chanceuse. Un grand-papa qui vient de mourir, une petite sœur qui va naître, un papa qui vient de partir, un parent au chômage, un mononcle qui boit trop de bière, un cousin qui a la leucémie. Le pardon, la jalousie, la confiance…. Avec les bons mots, on peut tout dire et les enfants, contrairement à nous, ont encore souvent le cœur facile à ouvrir. C’est beau.
5. Avoir une nouvelle classe chaque année.
Ils sont rares les métiers où il y a, dans la même année, un début et une fin. Un éternel recommencement. Une nouvelle chance, chaque année, de faire mieux, autrement. Le début est étourdissant. La fin est parfois émotive, parfois nécessaire, parfois gratifiante. Ça me plaît!
6. Voir des petits miracles arriver.
Ils arrivent chaque année ces petits miracles. Des enfants, plus forts qu’on le croyait, qui déjouent nos prédictions. Qui se mettent à parler, lire, écrire quand on ne s’y attendait plus. Qui retrouvent le sourire qu’ils avaient depuis longtemps perdu. Qui nous étonnent par leur grande humanité, volent au secours d’un plus faible, encouragent le dernier à finir la course. Je ne me lasse jamais de ces petits miracles. Ils me propulsent, m’énergisent, me remplissent d’admiration et de reconnaissance.
7. Avoir une bonne idée!
Dans mon travail, on ne me dit pas comment faire les choses. On me décrit bien clairement le point d’arrivée, mais les moyens et les chemins à prendre pour s’y rendre, ça m’appartient! Comme j’aime ces moments où, chez moi, dans ma douche, en promenade, pendant les vacances, sur la plage, ou dans mon lit, il m’apparaît une idée de génie! Un nouveau projet, une activité… Je sais alors que 24 petites paires de yeux s’allumeront, brilleront et qu’à la fin du projet, ils auront un autre bout de chemin de fait. J’aime.
8. Les vacances
Je ne peux pas ne pas le dire. D’accord, on finit toujours l’été un peu dans le trou, mais….Bon sang que ça vaut la peine! 2 mois. 2 mois pour mes enfants. Pour mon mari. Pour moi-même. Comment ne pas aimer ça. À la fin de l’été, j’ai moins d’argent en poche mais je suis immanquablement plus riche.
9. Amener mes enfants au travail.
À ce jour, 2 de mes enfants (sur 3) m’accompagnent au travail. Ça, c’est assez unique non!? Ils ne sont pas dans ma classe (pas cette année), mais je les observe régulièrement du coin de l’œil. J’ai souvent droit à des petits câlins-surprises aux récréations. Je peux intervenir moi-même s’ils vivent des choses difficiles, leur apporter du Advil s’ils ont mal à la tête. Je les espionne parfois sans qu’ils le sachent….Que je suis chanceuse!!!
10. Mon école!
Je n’ai pas eu beaucoup l’occasion d’aller voir ailleurs. Quelques stages, quelques mois de suppléance seulement et j’ai abouti dans cette superbe, petite et chaleureuse école dont je rêvais. Le monde n’y est pas plus rose, les besoins n’y sont pas moins grands. Nous ne sommes pas très riches, mais nous faisons beaucoup avec peu. J’ai des collègues formidables, qui me soutiennent dans mes bons et mes mauvais moments. Une direction passionnée qui m’a toujours appuyée. J’aime mon école parce qu’on s’y sent bien. Parce qu’elle est pleine d’amour et de gens extraordinaires.
Wow! Rendre grâce est parfois bien thérapeutique. Quand les besoins sont grands, les défis immenses, un tel exercice est clairement salutaire! J’espère que toi, ma collègue, et tous les autres qui auraient pu en douter, vous êtes rassurés. Je vous le dis, sans hésitation : J’aime mon métier !
Marie dit
Merci pour ce texte rempli de vérités. Je commence en enseignement et la réalité me rentre dedans. Je ne suis sur aucune liste de priorité d’embauche ( pas encore ). On m’aime bien et on m’offre de long remplacement. Ce que j’apprécie, mais mon dieu que je ne me sens pas à la hauteur. Je regarde les autres enseignantes la tête haute au-dessus de leurs affaires et moi qui croule littéralement sous la planification, la correction, les troubles de comportements, les messages aux parents, les rencontres après l’école, les un million courriels, la nouvelle matière, les évaluations… Je n’ai plus de vie, j’arrive à peine à dormir la nuit. Parfois, je regrette mon choix de métier. Je m’accroche à l’idée que ça sera mieux quand je serai sur la liste ou quand j’aurai ma classe. Y en a qui disent que c’est le métier qui rentre. Parfois pour me remonter le moral et me consoler parce que je ne peux pas abandonner au beau milieu d’un contrat avant d’avoir été jusqu’au bout, je lis des textes comme le tien qui me font tenir jusqu’à demain.
Julie dit
Bonjour Marie.
Je pense qu’à toutes les étapes du métiers, dans les débuts ou même quand on a des années derrière la cravate, il y a des jours (ou des années) où on se sent franchement dépassée. Des jours où on s’imagine faire n’importe quoi d’autre! Mais il y a aussi des jours où on ne voudrait être nulle part ailleurs… Pour ma part, je carbure en savourant ces journées positives et en me rappelant toutes les beautés du métier. En m’assurant aussi de décrocher en revenant à la maison et en évitant de vouloir changer le monde trop souvent! Tu es probablement dans ce moment crucial qui détermine ceux qui restent et ceux qui partent. Dans quelques temps, tu prendras le rythme et tu verras si tu as envie de t’accrocher ou pas. Je te souhaite bonne chance, prends soin de te santé et cultive bien le « un jour à la fois ». Qui sait où ça te mènera!
Diane dit
Dans ma classe, je sens que je peux être moi-même. Comme j’accepte mes élèves, je suis aussi acceptée. C’est un beau lien qui me permet d’arriver à une progression qui surprend beaucoup la direction et les parents
. J’enseigne en DIL.
Jean-Pierre Marceau dit
Être ou vouloir devenir ou encore avoir été un enseignant, c’est une bénédiction, on se comprend ? Par ailleurs vous sortez d’un hôpital où le/la préposé/e est le/la préféré/e de votre grand-mère ou de votre frère, ça peut se mesurer à une rencontre de parents, oui ? Un/une commis aux plaintes qui vous démonte en un tour de main et vous réoriente vers le personnel efficace, ça vaut une pomme, non ? Ce que je dis, je l’dis souvent qu’après l’hiver c’est l’printemps… et que pour moi ça été l’enseignement. Je ne changerais pas ça pour une terre en bois d’boutte.
Annie Després dit
C’est tellement agréable de lire des commentaires positifs d’une enseignante qui aime son travail! Je m’y suis reconnue! J’aime profondément ce que je fais et je suis toujours triste d’entendre les commentaires négatifs sur le manque de ressources, sur le milieu difficile. Je crois comme toi que tout se passe derrière ma porte de classe et comme nous n’avons pas de prise sur ce qui se passe ailleurs, on donne tout ce que l’on peut pour que lorsque les enfants sont avec nous, ils soient le mieux possible. Bravo!
Line dit
Mon doux, ma foi! Mais d’où tu sors, toi? Où étais-tu avant maintenant? Je ne te connais pas, mais je t’adore!! Quel texte simple mais exceptionnel qui dit vraiment TOUT. Je l’imprime et je l’encadre dans ma classe. Je ne blague presque pas. 🙂
Normand Plourde dit
Julie, s’est super ce que tu mentionnes. On peut facilement constater dans tes écrits que tu es une personne positive de nature et cela se reflète dans ton travaille et tes élèves vont tous en bénéficier. Même si je n`ai jamais été dans l`enseignement on sait tous que ce n`est pas toujours facile le métier d`enseignant(te). Peut-être sans t`en rendre compte tu dois influencer d`une façon très positive tes collègues de travaille.
Madeleine dit
Je suis à la retraite mais j’ai adoré enseigner !Tout comme toi ,je vivais cette belle aventure .Ma classe était ma deuxième maison .J’aimais la décorer et je m’y sentais bien .Le matin de la dernière journée d’école alors que le pupitres étaient vides et frais lavés de la veille , je remettais un crayon et une feuille à chaque élève .Ils devaient m’ écrire une lettre que je lirais après leur départ. J’ai souvent pleuré en les lisant tant j’étais touchée par leurs commentaires. Une petite élève entre autres m’a avoué qu’elle aurait aimé que je sois sa maman. Je conserve encore précieusement tous ces messages.
Rachel Lajoie dit
Wow!!!
Quelle belle écriture!
Quelle bonne lecture!
Tu me rassures.
Merci Seigneur pour « tes bontés qui se renouvellent chaque matin ».
Marie dit
Les larmes me sont venues aux yeux. C’était mon métier et on me l’a enlevé! Je m’explique: après l’accouchement de mon 5e enfant, j’ai souffert d’une grave dépression. J’ai dû arrêter d’enseigner pendant un congé maladie qui, selon la commission scolaire, a été trop long. Je n’ai donc pu retrouver mes fonctions. Maintenant, je suis guérie, complètement! Et comme quelqu’un qui se remet d’un cancer j’ai le goût de retourner enseigner mais ma commission scolaire refuse que je fasse, ne serait-ce qu’une journée de suppléance. Mon employeur préfère engager des gens non légalement qualifiés. Je vous jure que je n’ai rien d’autre à me reprocher que la maladie! Je trouve cela bien triste. Je vous souhaite alors, à vous enseignante, d’être fortes ( et de le rester) afin de garder ce privilège d’enseigner..
Valéry Sévigny dit
Wow !!! J’adore te lire ! Tu as une si belle façon d’illustrer tes pensées, tes passions… Je suis moi-même enseignante et je peux te dire que TOUT ce que tu as écrit me rejoint, vraiment ! En cette journée où j’ai pris congé pour me sauver un peu du brouhaha de la rentrée, je peux te dire que ton texte arrive au bon moment. Je suis émue finalement de me rendre compte que j’avais quelque peu oublié les raisons pour lesquelles j’avais choisi ce métier… Merci…
maryse duquette dit
J.’aimerais retourner à l’école pour être ton élève …
Stacy dit
moi aussi!!!
Kat Bonheur dit
Wow! C’est génial de constater que d’autres vivent la même chose que moi dans une autre école . Je suis éducatrice spécialisée dans l’école primaire de mes enfants et j’adore moi aussi mon métier . Tout comme toi j’ai le droit a mes petit câlins volés dans la cour d’école . C’est encore plus apprécié quand ils sont dans la semaine de papa ,lorsque mon quotidien avec eux me manque énormément . J’approuve ce que tu dis les enfants sont toute ma vie et les 400 élèves de mon école je les aime autant que les trois miens . Chaque jour de ma vie je suis heureuse d’accompagner le développement de ces enfants et chaque jour je reçois des tonnes de petits bonheurs de leur part. Que ce soit un » Bonjour » admiratif ou un sourire timide , même un p’tit visage m’indiquant un mauvais coup me fait sourire , me met du soleil sur mon cœur, m’indique que je suis a ma place et que « J’aime mon travail » . Je suis vraiment heureuse que ma directrice ,que j’adore , aie « liker » ton statut. Tout comme elle tu as fait aujourd’hui parti d’un de mes petits bonheurs . Merci!
Line Babin dit
Bonjour!
Je partage entièrement les merveilleuses perles de ton texte!
Je m’y reconnais totalement et ça fait du bien de te lire et de voir qu’on se ressemble dans le vécu de cette lourde, mais combien émouvante et gratifiante tâche, que d’allumer tous ces feux, dans tous ces esprits intelligents et qui ont tant à nous apprendre et le rire ça c’est le carburant du coeur, merci de nous le rappeler !!! Merci aussi de nous faire sentir la beauté de ce travail et y a vraiment plein de profs qui devraient te lire! Bonne fête de l’action de grâce!
Christiane dit
Bonjour, je viens juste de prendre ma retraite. Ton texte reflète très bien mes états d’âme et la réalité que j’ai vécu pendant 32 ans. Merci de mettre des mots sur ces moments privilégiés. Garde cette fougue et continue de partager cette passion. C’est un métier difficile mais tellement unique. Bonne continuité à toi et tous ceux et celles qui ont le courage du métier, les joies et les récompenses sont à
la hauteur. CM
Stacy dit
Wow… encore un bon article! Comme j’aime te lire. C’est vrai que les derniers blogs ont été remplis de choses plus tristes, négatives ou même tabous. Mais je peux te dire une chose; à chaque matin que je te vois ou le soir quand je t’aperçois encore au fond de ta classe, je n’ai jamais douté de ta passion et de ton enthousiasme à faire ton métier. On ne se connaît pas beaucoup, mais l’image que j’ai eu de toi la première fois que je t’ai vu en 2010 lors de la rentrée scolaire de Gabriel alors que tu portais ton costume de coccinelle m’a toujours intriguée et quelque chose me disait que tu étais une fille passionnée. Je suis bien heureuse que tu puisses faire partie de la vie de mon dernier. Te voir à l’œuvre dans leur vie fait toute la différence… du moins pour moi. J’aime te voir regarder mon fils comme un enfant unique et avec des yeux si pétillant d’amour pour lui malgré ses petites maladresses de comportement parfois. Ta façon de considérer chacun de tes élèves comme des pierres précieuse… comme si tu les avais presque mis au monde.
Merci… merci d’avoir choisi ce métier et merci d’en faire profiter beaucoup de gens autour. Pas juste ces 24 petites pairs de yeux, mais aussi tout le monde autour qui te regarde aller et en qui tu déposes un brin de ta passion.
C’est vrai qu’il est beau ton métier…
Julie dit
Wow, Stacy…. Si tu savais comme tes paroles me font du bien! Des parents d’élèves comme toi, on en prendrait des tonnes!!! La coccinelle, je me rappelle oui. Incroyable que tu te rappelles ce détail. Je vais garder ton message précieusement et revenir le lire quand ce sera nécessaire. Merci.
Stacy dit
🙂 Ça fait plaisir. Il ne faut jamais oublier que Dieu nous a donner des dons… un des tiens est évident à mes yeux! :o)
Carolyne dit
Quel beau texte! Je suis présentement étudiante au Bacc en enseignement en adaptation scolaire et j’avais déjà tous ces aspects en tête ;-). Ça confirme mon choix de 2e carrière ;-). Bonne continuation avec tes cocos 🙂
Nadia dit
À te voir avec tes jeunes quand on te croise à l’école et avec ma grande l’an passé c’est plus qu’évident que tu aimes ton métier!! Continues!!
Valérie dit
Et moi j’aime te lire belle Julie ! ! !
Martine Horth dit
Tu as su écrire exactement ce que je vis à chaque année depuis plus de 25 ans. Finalement quel beau métier ! Quelle chance ! Je pense que ce qui est merveilleux, c’est que tu es passionnée. Merci pour cette belle publication !