Tu es malade.
Ton père trouve que j’abuse de ses abondants congés-maladies de fonctionnaire. Il décrète que c’est mon tour.
Je dois prendre congé.
Dans les couloirs de l’école, où je suis venue préparer le travail pour ma suppléante, on me regarde avec compassion.
– Ah non ! Pauvre toi ! Je suis désolée ! me dit-on avec sincérité.
Même si je n’aime pas voir mon garçon mal en point, je ne suis pas sûre que nous méritons toute cette pitié.
Il ne va pas mourir. Il est fiévreux. Dans le pire des cas, il a choppé une pneumonie… Peut-être même que c’est juste la grippe.
Je ne prends jamais congé. Même si j’en aurais bien besoin !
Je ne fais pas faux-bond à mes élèves, beau temps mauvais temps. Enrhumée ou exténuée. C’est trop compliqué de les confier à quelqu’un d’autre.
Aujourd’hui, je n’ai pas le choix.
Et en vérité, je ne fais pas pitié…
Rester avec toi n’est pas difficile. Pas douloureux.
C’est tous les autres jours qui me causent problèmes. Les jours où je t’envoie à l’école avec un Advil parce que tu n’es pas top shape… Les jours où je te bouscule pour arriver au travail à temps. Où j’escamote ton déjeuner, où je déverse sur toi mes excès de cortisol et de stress.
Aujourd’hui, je suis forcée de tout mettre sur pause. Juste pour être avec toi.
Non, je ne fais pas pitié.
Tu jacasses dans l’auto. Maman, cette forêt est vraiment maganée, me dis-tu en observant les bosquets qui ornent l’autoroute, Il doit y avoir plein de castors qui font des bêtises dans cette forêt !
Tu m’envoies ton petit univers en pleine face et, pour une fois, je t’écoute. Parce que nous sommes juste tous les deux. Parce que ma journée t’est entièrement dédiée. Parce que même si je cherchais des raisons de me stresser, je ne saurais pas en trouver.
En attendant le médecin, tu me réclames, tu te colles à moi. Fragment de souvenirs de nos premières années ensemble. Endormi dans mes bras, comme tu t’endormais dans le porte-bébé…. J’agrémente ton sommeil de secousses réconfortantes, comme je le faisais quand tu ne parlais pas encore.
Oh non ! Je ne fais pas pitié ! Même si ta morve recouvre mon épaule, que ta chaleur fiévreuse me fait transpirer. Que mes bras fatigués peinent à te tenir.
L’attente est longue. Juste assez longue pour faire durer notre tête à tête.
Nous sortons de la clinique, quelques prescriptions en main.
À la maison, nous dormons ensemble.
Tu infectes l’oreiller de papa avec tes microbes.
« Attention madame, ne lui faites pas trop de bisous à votre garçon, il est encore très contagieux», m’a dit le médecin.
Je n’en fais qu’à ma tête.
Les jours de la semaine n’existent plus. C’est n’est plus vendredi, ce n’est plus décembre.
C’est juste toi et moi qui s’inventons des vacances.
Tu en as vu de toutes les couleurs dans les derniers mois. Tu étais trop jeune pour l’école. Nous le savions. Tu as dû t’adapter… Au rythme, aux exigences. À tous les autres qui ont envahi ta bulle.
Il y a quelques semaines, tu étais encore mon bébé. Tu es devenu un grand garçon, un presqu’homme qui s’exerce chaque soir à découper (parfois mes brassières et mes vêtements), à colorier (de temps en temps sur les murs, pour faire changement) et à ne plus « yéyéter » tes sons « l » lorsque tu parles.
Peut-être que je ne devrais pas attendre les prochains microbes pour te kidnapper de la sorte. Me déclarer malade.
Malade de toi et de nous. Malade de cette course folle qui m’empêche de te voir grandir.
Malade de la pression, malade de mon trop plein.
Juste assez malade pour s’offrir une petite journée. Un traitement qui me fera encore plus de bien qu’à toi.
Malades, nous nous bercerons toute une journée et laisserons les autres nous prendre en pitié…
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Diane dit
Je suis une grand-maman de 64 ans et j’ai adoré ton livre 180 jours et des poussières. Ça se lit tout seul et c’est intéressant du début à la fin. Bravo!
Tente Helen dit
Tres beau maman Julie!,
C’est bien de réaliser tous ces beaux moments avant qu’il soit trip grand!!
Tu peux encore le bercer!!,
Lorsqu’il aura 35 ans !!,
Ce sera un peu embêtant de le prendre!!
Il grandisse trop vite nos bébés!!!
XXXX❣
Sylviane dit
Je me reconnais complètement dans ce que vous avez écrit ☺