Des lettres de parents, on en reçoit de toutes sortes dans une année ! Certaines qu’on aimerait encadrer et relire chaque jour, d’autres qu’on oublie vite et une certaine quantité qui nous virent à l’envers.
On en envoie aussi plusieurs ! Des messages que l’on trouve parfois habiles et d’autres que l’on regrette après coup.
Le scénario classique, c’est l’enfant qui a été repris et qui raconte SA version des faits à ses parents. Ou juste le petit, trop petit pour comprendre les subtilités complexes d’une situation, qui rapporte sa perception des événements à la maison. Perception dans laquelle son enseignante apparaît comme un véritable monstre sans cervelle !
Les parents alors, submergés d’émotions et mus par réflexe protecteur presque bestial, partent au front. En négligeant parfois une étape bien importante : celle de poser des questions !
Combien de fois me suis-je fait dire par un parent qu’il était inacceptable que j’empêche les enfants d’aller aux toilettes ou de manger leur collation ! Pourtant, ma seule contrainte pour les toilettes et de n’y envoyer qu’un enfant à la fois et la collation se prend chaque jour après la récréation…
Ce genre de situation arrive continuellement et, devant les lettres accusatrices, les frustrations s’accumulent.
Youhou ! Confiance, t’es où ?!
Depuis la sortie de mon livre (180 jours et des poussières), on me parle beaucoup de ce passage, celui où le personnage rédige sans se censurer une lettre en réponse à un parent.
Bien sûr, elle ne l’envoie pas telle quelle. Elle se gère. Mais tout de même, si ce passage en a marqué plusieurs, c’est sans doute parce, dans un sens comme dans l’autre, une réflexion est nécessaire sur les communications parents-enseignants !
Alors aujourd’hui, j’ai décidé de vous partager gratuitement ce passage qui se trouve à la page 262 du livre… Et qui sait, vous aurez peut-être envie d’en lire plus ! Ah ! Ah ! Alors voilà:
*
Extrait du livre « 180 jours et des poussières » :
« De retour à ma classe, je trouve un message de la mère de Jeanne qui m’attend dans ma boîte courriel.
Bonjour madame,
Ma fille affirme que vous ne voyez pas en classe les mots de vocabulaire et les choses à faire en devoir. J’ai de la difficulté à comprendre vos méthodes. Il me semble que ce n’est pas très pédagogique de ne pas enseigner les mots de vocabulaire en classe. D’après ce qu’elle me raconte, vous faites beaucoup de bricolages. Disons que je me questionne… Ma sœur est enseignante alors on sait de quoi on parle. Je vous encourage à y réfléchir.
Bonne journée.
Le genre de message qui me met gravement en rogne ! Bien sûr que nous travaillons le vocabulaire ! On le fait chaque jour. Les « bricolages » n’ont lieu que dans le cours d’arts plastiques, une heure et demie par semaine ! Jeanne peut se montrer très convaincante et excelle dans l’art des justifications. Mais, à sept ans, est-elle vraiment en mesure de rapporter à ses parents le fondement pédagogique de nos activités ? Impulsivement, je rédige une réponse à la maman de Jeanne.
Bonjour madame,
Hier, un enfant de la classe m’a dit qu’il venait à l’école en ski-doo chaque matin. Ah, et il le conduit lui-même. La semaine dernière, lorsque est venu le temps de raconter sa fin de semaine, une élève a prétendu qu’elle était allée en Floride pendant le week-end. Rien de moins. Un autre m’a raconté avoir attrapé un ours polaire pendant son congé de Noël. Il le garderait dans son garage depuis ce temps.
Évidemment, j’ai fait la part des choses. Nos enfants ne sont pas des menteurs. Mais ils ont six et sept ans. Il est important de vérifier à la source avant de croire tout ce qui sort de leur bouche…
Comme je le fais lorsqu’un enfant me confie qu’il ne déjeune jamais, que son père le frappe avec une ceinture ou que sa mère l’oblige à ne pas faire de devoirs et à se coucher à minuit. Je vérifie toujours avant de partir en peur. Et, la plupart du temps, ces histoires ne sont pas fondées.
Alors voilà ce qu’il en est de ma pédagogie : nous travaillons le vocabulaire chaque jour, faisons des arts plastiques une seule période par semaine et suivons le programme du ministère de l’Éducation à la lettre. C’est la parole de votre fille de sept ans contre la mienne. Le reste vous appartient.
Bonne journée à vous aussi…
P.S. Ah ! Et, tandis qu’on y est, est-ce vrai que vous fumez dans la maison et que vous êtes toujours en train de parler au téléphone ? C’est ce que Jeanne me dit, en tout cas… Je vous encourage à y réfléchir.
Je meurs d’envie de l’envoyer telle quelle… mais j’ai trop peur de le regretter. Le mieux serait d’envoyer cette lettre à tous les parents ! Les situations du genre sont tellement fréquentes. Si seulement cette brave dame avait tout bonnement posé la question : « De quelle manière travaillez-vous le vocabulaire en classe ? », je lui aurais répondu avec plaisir. Mais les reproches et les accusations basés sur la parole d’une fillette, c’est vraiment désagréable. C’est encore la confiance qui fait défaut. Il faudra que je trouve de nouvelles astuces pour gagner celle des parents. Ce n’est de toute évidence pas au point.
Je reformule ma réponse, je la rends plus polie et plus politiquement correcte, avant d’appuyer sur ENVOYER… Et je ravale le reste de ma frustration. »
Je sais, nos enfants sont la prunelle de nos yeux ! Mais si j’avais un conseil à donner, autant aux parents qu’aux enseignants, je vous dirais : Dormez donc là-dessus !
Les messages trop impulsifs et émotifs, de part et d’autre, sont souvent les plus nocifs…
Alors une bonne nuit de sommeil, une surdose de délicatesse ainsi qu’une bonne vérification des faits à la source, et ça devrait aller pour le mieux !
Parce qu’après tout, ce qu’on veut, c’est faire équipe, non ?
Ressources pour favoriser la communication parents-enseignants (Carrefour éducation)
Cher parent, au sujet de CET enfant, par Amy Murray
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Marie-Christine dit
Salut, Les parents ne sont pas dans nos souliers. Je crois qu’il faut voir ça moins « gravement » quand on reçoit un message de leur part. Ils s’y prennent peut-être bien mal pour communiquer mais, je leur donne toujours le bénéfice du doute; je ne crois pas que leurs intentions de départ soient de nous juger, blesser ou condamner. Ils veulent le meilleur pour leur enfant. Ils ont peut-être eu de mauvaises expériences eux-mêmes avec le milieu scolaire ce qui justifierait leur façon peu délicate de nous faire part de leurs inquiétudes. Bref, je lis (et pas entre les lignes…je ne suis pas susceptible), je réponds et bien souvent, ça replace les choses tout simplement. Je ne me sens pas attaquée car, comme vous l’avez si bien expliqué, la perception des enfants ne tient pas compte de tout le contexte. Mais, il n’en demeure pas moins que la perception de nos élèves est « parlante ». Pourquoi cette enfant a-t-elle l’impression qu’elle ne fait que du bricolage et qu’elle ne travaille pas les mots de vocabulaire? Il est tellement facile de se sentir juger par les propos d’un enfant ou d’un parent. Alors qu’on devrait avoir confiance en nos habiletés d’enseignante et essayer plutôt de comprendre pourquoi et d’où viennent ces mauvaises perceptions des enfants et des parents. Quand on essaie de se mettre dans les souliers de l’autre pour mieux le comprendre, on arrive à mieux communiquer. On a qu’à se regarder quand on est nous même de l’autre côté de la situation. Les incompréhensions dû à notre perception erronée de la situation nous frustrent (ex: mauvais service à la clientèle). On s’emporte contre la personne alors qu’on ne sait pas tout ce qui justifie cette situation. Se faire confiance et accepter le point de vue de l’autre; voilà la clé de la communication.
Julie dit
C’est en effet une façon très constructive de voir les choses !
Carine Gendron Rodrigue dit
Ma belle Julie,
oui tu es effectivement bien patiente, compréhensive, attentionnée, à l’écoute, réfléchie… et bien plus… ce qui fait de toi une enseignante en Or pour nos touts-petits débordant d’énergie et d’imagination 😉
Je suis tout a fait d’accord avec toi qu’en tant que parents notre part de responsabilité est d’abord de faire confiance a l’enseignante qui passe ses journées avec nos enfants, de communiquer de façon mature, responsable et surtout respectueuse avec elle si nous avons un doute et poser des questions plutôt que de sauter au conclusions accusatrices.
Et en tant que parents, si nous agissons de la sorte, nos enfants vont comprendre éventuellement que : premièrement… le »mensonge » n’apporte rien de positive, mais aussi surtout a comment réagir de façon respectueuse envers les autres. Parce que a mon avis la job de l’enseignante est d’enseigner au niveau académique (mais aussi certaine valeurs comme le »vie de groupe » par exemple) mais que la job des parents est d’élever nos enfants afin qu’ils deviennent de bonne personne… et n’oublions pas que les enfants apprennent par l’exemple!
Bref, Julie, merci de l’enseignante que tu es, mais merci, que malgré tout se qui occupe ta vie, ton travail, maman de 3 enfants, épouse, amie dévouée que je sais que tu es… tu prends le temps pour écrire! Des écrits souvent drôle, régulièrement touchant, mais surtout qui font toujours réfléchir …
Ne change surtout pas 🙂
Julie dit
Quel message Carine ! Tu me touches beaucoup. Je ne suis pas certaine de mériter tous ces beaux compliments mais, comme on dit, je me roule dedans !!! Ton message me fait aussi penser à quel point il est important de refaire le point sur le rôle des parents versus celui des enseignants…Merci !
Eddy Addison dit
Bonjour!
Franchement, je vous trouve bien patiente. J’ai enseigné pendant 35 ans au secondaire et vous n’avez pas idée des imbécilités parentales fourbies de fautes que j’ai pu recevoir au fil des années. N’ayant pas vraiment le temps pour tant d’inepties, je me contentais généralement d’écrire aux parents auteurs de tels messages que dans ma classe, c’était moi qui décidais de tout. La raison étant que j’étais titulaire de ce poste parce que j’étais le plus compétent pour l’occuper. En conséquence, s’ils avaient des récriminations à faire, ils n’avaient qu’à s’adresser à la direction. C’est justement leur travail d’avoir à gérer ce genre de chose et de ne pas m’embêter avec ça. Comme la direction ne voulait pas de problème, je n’en entendais plus parler. Et je pouvais enseigner en paix. Voilà! Bonne chance!