– Désolée madame, si j’avais mis ces bottes de côté pour vous, ça aurait été un préjudice pour les autres clientes qui auraient voulu les acheter. C’est la politique ici.
La vendeuse me regarde avec un air convaincu, totalement inconsciente de la menace qui plane. C’est la troisième fois que je tente de m’approprier ces petits bottillons en cuir brun que je convoite. La première fois, on a refusé de me les vendre parce qu’il n’y avait pas de prix dessus. On a également refusé de me les mettre de côté. La seconde fois, on m’a dit que la gérante n’avait pas eu le temps de s’en occuper et cette fois-ci, la 3e fois, on m’annonce qu’ils ont été vendus à quelqu’un d’autre!
Je n’ai pas l’habitude d’argumenter avec les vendeurs. Même lorsque j’achète de la scrap, je préfère habituellement « faire avec » que retourner me plaindre. Mais là, c’est différent. Ce n’est ABSOLUMENT PAS le moment de me contrarier.
Je m’applique à respirer. Je chante « Sunshine Reggae » dans ma tête pour endormir le monstre qui rugit en moi.
– Mais madame, lui dis-je sur un ton ironiquement doux, je ne connais aucun magasin où on EMPÊCHE les gens d’acheter des choses! Je ne comprends pas votre politique de préjudice! C’est à moi que vous causez préjudice!
La dame me regarde, un peu inquiète. Elle commence à se demander comment ça va finir. Dans ma tête, je m’imagine sortir une mitraillette et bombarder le plafond en hurlant :
CES BOTTES ÉTAIENT À MOI!!!!!
Je refoule toute cette colère qui déferle et termine avec une sublime dernière envolée :
– Madame, vous encouragez les gens au vice avec vos affaires! Que pensez-vous que je vais faire la prochaine fois que je vais vouloir un article qui n’a pas de prix dans votre magasin? Je n’aurai pas le choix! Je vais devoir décoller un prix sur un autre article et le coller sur celui que je veux parce que je saurai que c’est LE SEUL moyen de l’avoir. Vous incitez les gens à être malhonnêtes. C’est très malsain ce que vous faites!
Ses sourcils se sont froncés. Je sais que si je dis une parole de plus, je serai allé trop loin. Alors je la salue sur un ton faussement poli et je retourne à ma voiture.
Déjà, je me sens misérable. Je viens de me donner en spectacle, je le sais trop bien. Mais c’est de sa faute aussi : On ne contrarie pas une femme en plein SPM*!
Comment aurait-elle pu le savoir me direz-vous? Il y a longtemps déjà que je songe à m’afficher. Une pancarte, un collant dans le front. Quelque chose qui dirait :
Les premiers à prévenir seraient certainement mes enfants! Ils sont toujours un peu stupéfaits quand ils se lèvent un matin et qu’un espèce de monstre tapageur a pris la place de leur affectueuse maman.
Le SPM n’est pas qu’un festival d’hormones destructrices. Ça vient aussi avec un gros paquet de remords et de remises en question. Quand j’ai chassé ma fille de la salle de bain ce matin parce qu’elle avait échappé une goutte de rince-bouche sur le plancher, elle n’a pas compris. Je lui ai fermé la porte au nez et, aussitôt, me suis sentie coupable.
– Ce n’est pas de ta faute, lui ai-je dit sur un ton bourru, sentant qu’elle était restée figée de l’autre côté de la porte.
Mais c’est la faute de qui alors?!
Bien sûr, je reste entièrement responsable de mes actes, mais j’aimerais bien qu’on m’explique comment on peut demeurer socialement apte quand on a le feu au derrière et qu’on jongle avec des émotions toutes plus extrêmes les unes que les autres!
Que le SPM se pointe, je ne supporte plus le moindre vêtement. Je ressens X 10 l’étiquette de mes bobettes qui me gratouille et chacune des coutures de mes pantalons. J’ai l’impression d’étouffer dans mon propre corps!
Vais-je passer 3 jours par mois complètement nue et barricadée juste pour survivre au SPM?
C’est comme si un chien enragé me grognait à l’intérieur. La moindre contrariété le fait japper. Et quand il a fini, ce sont les larmes qui arrivent. Je pleure. Pour rien. C’est d’ailleurs souvent comme ça que je démasque le mausus de syndrome…
À cela s’ajoute toutes mes exigences démesurées envers Pierre, Jean, Jacques. Mon homme le sait bien; la maison n’est jamais assez propre, je peste contre la terre toute entière! Même les électroménagers ni échappent pas : la laveuse fait trop de bruit, le lave-vaisselle ne lave pas assez, Internet est trop lent, la voiture est trop sale…
À l’école, je mets toute mon énergie à épargner mes élèves : S’il fallait que je déverse sur eux le fiel de mes hormones, je m’en voudrais éternellement! Quand la journée se termine, j’ai mis tellement d’énergie à me contenir pour ne pas exploser quand j’ai dû répéter 402856 la même chose ou qu’un enfant m’a tapé à répétition sur l’épaule pendant que je discutais avec un autre, que je suis complètement vannée.
Saleté de SPM.
Dernièrement, je m’appliquais à faire subir à mon homme une théâtrale montée de lait quand, tout à coup, le rappel de son téléphone a sonné. Il l’a porté à sa main, l’a regardé et a pris un air entendu. Son attitude s’est ensuite complètement transformée. Il m’a écouté sans réagir, m’a même prise dans ses bras quand j’ai eu fini de hurler. Il ne s’est pas emporté, ne m’a pas demandé de me calmer… Alors je lui ai demandé :
– C’était quoi le rappel sur ton téléphone?
– Ça? C’était rien…
Devant mon regard insistant, il a murmuré :
– … Juste un rappel pour ton SPM.
Un rappel, pour mon SPM!!! Sur son téléphone!
J’ai d’abord été offusquée! Je suis peut-être insupportable, mais on ne se mêle pas de mes hormones! Ça ne regarde personne!
Puis, je me suis ravisée… Et cet insignifiant rappel nous est finalement devenu indispensable!
Maintenant, lorsqu’il retentit, tout le monde passe en mode « grâce »… Julie sera de mauvaise humeur, grognonne et intolérable, il faut se préparer à y faire face! Mon amoureux se charge de mettre toute la famille à l’abri :
– Ne vous approchez pas de maman aujourd’hui, souffle-t-il en douce à l’oreille des enfants.
Alors ils se planquent au sous-sol et mettent beaucoup d’efforts à ne pas me contrarier. Pendant 72 heures, mon amoureux ne porte pas attention à mes propos. Il charge son regard d’amour et de compassion, m’écoute avec patience, fais jouer mes chansons préférées. M’ignore avec brio.
De mon côté, je me comprends mieux. Quand j’entends le rappel, je sais que je dois me préparer à la guerre! Que la tempête d’émotions viendra et qu’il me faudra être plus forte qu’elle. Cette préparation mentale m’aide beaucoup.
Alors en attendant la pancarte qu’on pourra se coller dans le front, j’encourage tous les couples qui souffrent chaque mois de la crise SPM à essayer cette tactique! D’accord, ça prend un peu d’humilité du côté de madame et beaucoup de patience de côté de monsieur… Mais franchement, si ça peut vous aider un peu, ce sera ma contribution solidaire à toutes les familles éprouvées!
À votre tour, si vous désirez manifester votre solidarité, je vous encourage à ajouter en commentaires vos meilleurs trucs dans la lutte aux hormones ou encore, pour les plus humbles, à nous raconter votre pire pétage de plomb hormonal…
Parce que même quand il est question de SPM, ça fait du bien de se sentir moins seule!
* SPM = Semaine Pré-Monstrueuse. Ou encore Symptômes Pire que que la Mort.
Communiqué spécial, 17 mai 2015: Après quelques lectures sur le sujet, j’ai décidé d’essayer le combo MAGNÉSIUM + VITAMINE D pour tenter une offensive contre le monstrueux syndrome. Je ne suis pas trop « médecine naturelle » mais là, j’avais franchement rien à perdre! Et BAM! Voilà 2 mois que je chercher mon SPM partout, il n’en reste rien! Il s’est évaporé! Impossible de garder ça pour moi, il fallait que je vous le dise! Parce qu’un SPM envolé, ça n’a pas de prix…
Sur le même thème:
Le chapitre « Lutte à la colère » de mon livre.
alexandra bouchard dit
De mon côté, je suis arrivée dans un famille où mon chum de l’époque avait eu pour conjointe une hystérique du SPM. Mais complètement. Moi qui n’avait jamais eu de spm, j’ai complètement flippé quand j’ai remarqué sur son calendrier qu’il notait systématiquement la date de mes règles et de chacunes de mes sautes d’humeur. Il voulait trouver mon schéma menstruel. J’étais vraiment fâchée parce que chacun
anne-julie cloutier dit
Bonjour Julie!
J’ai capoté pendant 13 ans 1/2… 2 semaines de SPM… 3 jours: c’est un peu insultant : )
Et puis j’ai augmenté ma dose de 5HTP: méga dose: 1600mg par jour.
LE BONHEUR! Dans les 2 sens du mot (tu savais pas qu’il pouvait y avoir plusieurs sens hein!!!) De la sérotonine pour mon cerveau en manque. Et le bonheur de mon entourage, et des nuits sans insomnie et la disparition de l’envie de tuer, hurler, démolir…Mon spm c’est 2 jours maintenant. FANTASTIQUE!
Anne-Julie
Julie dit
Wooo, quand on se compare, on se console!
Julie dit
Ça fait du bien de te lire. Je vis ça chaque mois et encore davantage depuis peu. Je suis en pré ménopause et ça revient aux trois semaines. Ce n’est plus très regulier, donc impossible à voir venir… Je le sais quand je suis en plein dedans! Je me sens moins folle en voyant que je ne suis pas la seule qui se transforme durant ses spm ;).
Merci xx
Lyne dit
Parait que la menaupose est un passage vers la viellesse… D apres mes enfants!
Parait aussi que lorsque traversé, les SPM n’ont pas suivis… D apres les doc.
C est une certaitude: Vive la viellesse!!!!!!
Caroline dit
Ouf !! Je me reconnais dans cette histoire.
Je fonctionne déjà avec un rappel depuis quelques mois. Très pratique ! 😉
Vous voulez un autre truc…. Les Oméga 3 a forte dose.
Plusieurs études scientifiques prouvent leur efficacité en cas de SPM.
Je donne ce conseil à mes patientes au travail.
Ça peut changer une vie!
On lâche pas hihihi
Josée dit
ARRRRRRRRRRRRRGGGGG!!!! Foutu SPM!!!!!!!! Je sais pas pour vous, mais moi ce mois-ci, c’était vraiment la fin du monde!!!!!!!!! Non seulement les grosses frustrations et etc, mais la MÉGA DÉPRESSION pour rien du tout… Un rien me faisait sentir comme la pire personne de l’univers!!! Excellent texte Julie et comme je te comprends!!! En plus ici, je suis avec 4 gars, qui ne comprendront probablement jamais vraiment à quel point c’est difficile! Même quand j’essaie de mettre de l’eau dans mon vin et de me préparer mentalement, à chaque mois c’est inévitable, je me transforme en Hulk. Mais bon, je me dis que je prépare le chemin pour leurs futurs femmes ou blondes…
Julie dit
Ha! Ha! J’avoue qu’avez 4 gars, la compassion ne doit pas être facile à trouver… Tu pourrait proposer le rappel téléphonique à ton homme, peut-être qu’il se sentirais investi d’une mission! Qui sait?
Isabelle Simard dit
Il paraît que les autochtones, jadis, avaient une tradition qui consistait à ce que la femme qui avait ses règles, quittait le groupe pour aller seule dans la forêt pendant quelques jours. Elle pouvait s’y ressourcer et ne nuisait pas au reste du groupe. Celui-ci s’occupait des enfants si elle en avait. Une belle tradition 🙂
Julie dit
C’est clair! Moi je suis pour le retour aux traditions! Imagine, une semaine au chalet par mois, la grosse paix… Ils sont brillants ces autochtones!