Quand on a 33 ans et 3 jeunes enfants, l’époque où « vaquer à ses occupations » se faisait sans heurt et sans interruption n’est plus qu’un souvenir lointain…. Quelque part, dans la brume de notre cerveau engourdi, on se rappelle avoir été en mesure de discuter, de téléphoner, d’étudier, d’écouter la télé, de se laver sans avoir l’impression que, d’une minute à l’autre, on sera interrompue…
Il y a quelques semaines, une de mes amies, elle aussi mère de 3 enfants, m’a appelée à la maison. Après quelques minutes de discussion, mon amie m’a questionnée sur le bruit de fond lointain de pleurs et de cris. C’est alors que nous avons découvert que, riche de nos expériences, nous avions la même tactique pour arriver à mener une conversation téléphonique à terme : nous étions toutes les deux enfermées dans notre salle de lavage!
Je sais bien, c’est un classique, ces gamins qui se mettent à s’animer, faire des mauvais coups et bien du tapage à la seconde où le combiné du téléphone frôle la paume de notre main! Et des classiques du genre, à bien y penser, il y en a des tonnes!
Prendre sa douche n’est pas non plus une mince affaire. À moins de mettre un film aux plus grands et de se résoudre à amener le plus petit avec nous, les probabilités sont grandes que l’effet thérapeutique relaxant de la douche n’ait pas le temps de faire son œuvre. On les entend clairement, derrière la porte :
– Maman! MAAAAMMMMAAAN!
Et c’est toujours urgent! Un verre de jus renversé, un pipi dans les pantalons, une crise fraternelle, un poil dans l’œil… 5 minutes plus tôt, c’était le calme plat, mais le son de la douche, comme par magie, les anime et les incite au chaos!
Quand on est jeune parent, on a encore la naïveté de croire qu’on pourra, parfois, leur échapper. Mais bientôt, on se retrouve à 4h00 AM avec, dans la pénombre, une petite face collée sur la nôtre, deux yeux, les pupilles comme des billes, nous regardant baver sur l’oreiller. Même le sommeil n’est plus sacré.
– Coucou! Dira alors la charmante petite apparition…
Et notre cœur, malgré la contrariété, fondra sous son charme en la reconduisant à sa chambre (ça, c’est dans les cas où la dite apparition se montre de bonne humeur et n’est pas en pleine crise de somnambulisme colérique qui n’en finit plus).
Au même titre que le sommeil, notre intimité, quand on est parent, en prend un bon coup! Je ne suis certainement pas la seule à m’être fait tapoter les fesses par mes gamins alors que j’essayais, innocemment, de me changer. Curieux et sans pudeur, ils perçoivent le moment comme une bonne occasion d’explorer le corps humain! On a alors droit à ces petites phrases qui tuent et font rire à la fois :
« Maman, pourquoi y’a des petits trous sur tes fesses? »
« Maman, ils sont drôles tes seins! »
« Maman, est-ce que le bébé est encore dans ton ventre? »
On apprend alors, pour le bien de notre estime, à se changer à l’abri des regards, la porte fermée et bien barrée!
Afin d’assurer notre santé mentale, on travaille fort à développer la compétence à « s’éclipser en douce ». Faire les commissions devient alors une activité très prisée! Pour ma part, je n’attends jamais que mon mari en ait l’idée avant moi! Il manque une ampoule dans la salle de bain… J’Y VAIS!… Pus de détergent à lave-vaisselle… J’Y VAIS!… Je sens que les piles du nouveau jouet vont bientôt lâcher… J’Y VAIS!
On sait alors qu’il leur sera impossible, pour une fois, de nous faire dévier de notre trajectoire, d’interrompre le fil de nos pensées et de quadrupler notre temps d’exécution.
Rarement, il y a de ces petits moments de grâce, ces moments où, dans notre propre maison, sur le balcon, dans la balançoire, on arrive à passer suffisamment inaperçu pour s’offrir le bonheur de lire un petit chapitre, d’écouter une nouvelle chanson ou de pianoter un court instant. Ces moments, en raison de leur rareté, viennent avec une euphorie qui les rend magique! Malheureusement, ils sont bien souvent interrompus par la trahison du conjoint :
– Papa, papa, j’ai faim est-ce que je peux prendre une collation?
– Humm, je ne sais pas, demande à maman, ELLE EST DEHORS!
Et vlan! Fini l’instant de répit magique! On est livré à l’adversaire par notre propre équipe!
Je sais, je vous paraîtrai sans doute un peu dure… J’aime mes enfants, plus que tout l’or du monde. Je savoure régulièrement des instants de purs bonheurs en leur divine compagnie. Mais j’aimerais bien, parfois, à une fréquence raisonnable, me permettre des moments de purs bonheurs en ma propre compagnie… Je me manque parfois. Je m’ennuie de moi.
Mais je me dis alors que, dans quelques années, les choses auront sans doute bien changé. Mes adolescents, fiers et indépendants, se barricaderont dans leur chambre et c’est moi, leur éplorée maman, qui les suppliera d’ouvrir la porte, juste un instant. C’est moi qui, à mon tour, fera enquête pour savoir où ils sont, quand ils rentreront. C’est moi qui aura envie, plus que tout, de me mêler à leurs discussions, de me coller à eux, de crier bien fort pour ne pas qu’ils m’oublient.
Alors, quand je vois leurs petites mains sous la porte de la salle de bain, je me dis que, peut-être, je devrais ouvrir la porte et les laisser entrer…
Sylvie dit
Que c’est agréable de te lire. Tu me fais penser à une grande amie qui est aussi professeur et mère de 3 enfants maintenant adultes. On a également partagé de tels moments. Que de beaux souvenirs. Au plaisir de te lire encore. Tu me fais tellement de bien! Merci!
Milène dit
Merci Julie pour ce texte, j’en avais besoin… aujourd’hui 😉 Je suis à la maison avec les 2 et depuis le début de la journée, peu importe où je me trouve dans la maison, j’entendais en bruit de fond : » MAMAAAAAAAAAAAAANNNNNNN ?!, MAMMAAAAAAAAAAANNNN?! » Ton texte m’a amené de la patience et plein de tendresse pour ce petit garçon qui, un jour, deviendra trop grand…
maryse duquette dit
je m’ennuyais de tes capsules mais celle là est tellement réaliste et colorée, je me souviens , je me souviens …. c’est tellement formateur pour notre ego . le secret , mettre à l’agenda un 4 heures par semaine avec son chéri, un week-end de 2 nuits par saison à l’extérieur d ela maison et une vacances de une semaine par année seul avec son amoureux (le sud , le nord ou juste rester a`la maison et les éparpiller chez des amis à qui on fera un retour ) cela est une question de santé mentale et de couple d’avoir des moments à soi , à nous pour être de mieux mieux avec eux et faites-vous en pas les p’tites mamans il y aura des jours plus faciles …. et vous aurez le goût de supporter les autres tites-mamans qui commencent . merci Julie de nous rappeler à nous les vieilles de si beaux moments qui ne reviendront plus ….
Syndie dit
Comme toujours, tu exprimes merveilleusement bien une réalité! Ma salle de lavage est dans la seule salle de bain de la maison alors malheureusement lol, c’est pas le meilleur endroit….
Moi j’ajouterais que si on décide de barrer la porte quand on prend une douche, c’est à ce moment la que nos merveilleux cocos ont l’envie du siècle! Et ce malgré le fait qu’on prend la précaution de demander avant de barrer cette fameuse porte: avez vous envie? Hihi, je ne barre plus la porte lol….
Dans tous les cas , tu m’as bien fait rire! C’est vrai qu’on voudrait s’éclipser en douce parfois hihi