– J’suis pas capable, m’a-t-elle dit dès notre première journée ensemble.
Je m’en souviens comme si c’était hier. Elle venait d’arriver dans sa nouvelle école et m’avertissait déjà – avec une moue – de ne pas avoir trop d’attente envers elle.
Je savais que l’année précédente avait été difficile pour elle. Qu’elle avait eu de la difficulté à faire valoir ses qualités auprès des autres. Qu’elle avait été mise de côté et sous-estimée par plusieurs.
Je savais qu’il faudrait un miracle pour qu’elle croit en elle à nouveau.
J’avais de la difficulté à comprendre pourquoi. Elle était belle. Elle était douce. Innocente à souhait. Affectueuse.
Peut-être un peu trop ? Elle avait son monde, un peu en parallèle. Peut-être que cette simple différence avait suffi à la rendre indésirable ? Cette idée me révoltait.
Et à chaque fois qu’elle me disait ne pas être capable, elle se contredisait elle-même en réussissant à tout coup !
Et ce soir, dix mois plus tard, elle est là. Debout sur l’estrade, son certificat entre les mains. Son sourire. Ses yeux ravis derrières ses grandes lunettes.
Elle est là avec son honneur retrouvé. Elle est là à savoir qu’elle est capable. Qu’elle a réussi.
Elle n’a pas eu un chemin sans embûche. C’est vrai que les autres ont parfois questionné sa différence. Réagi à son approche un peu singulière. Mais ils ont été capables, eux aussi, de surmonter leurs barrières et de lui donner la chance dont elle avait besoin.
Elle descend de l’estrade, son certificat en main. Ses parents m’attendent, les yeux humides. Je sais déjà ce qu’ils aimeraient me dire. Mais les mots trouvent mal leur chemin au travers des émotions. Je tente de parler à leur place, mais mes propres émotions me rattrapent.
C’est pour des petites filles comme elle que je fais ce que je fais. C’est pour des moments comme celui-ci que je continue à enseigner. C’est parce que les miracles existent que j’ai encore envie d’être là.
Je fais savoir à la maman que les mots ne comptent pas, que son regard a tout dit.
Et je prie en silence que cette petite devienne aussi grande aux yeux de tous que ce que j’ai vu en elle dès le premier jour.
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