Je montre toujours mes textes à mon amoureux avant de les mettre en ligne. Quoi? Une petite vérification avant d’étaler sa vie devant tout le monde, ce n’est quand même pas un luxe!
Quand il a lu ce qui suit, il a semblé hésitant… « Tu vas vraiment dire devant tout le monde que tu passes ton temps à te prendre toi-même en photo!? »
Ma grande humilité l’a sidéré! C’est vrai que ce n’est pas très glorieux tout ça. Mais depuis un certain temps, mon allergie au « faire semblant » semble prendre le dessus sur presque tout… Même sur mon orgueil !
Je prends le risque de supposer que je ne suis pas la seule dans ce bateau. Que plusieurs filles, femmes (et autres espèces) sont aussi tombées dans le panneau. Que comme moi, elles tentent de valider à chaque jour l’image qu’elles aimeraient que leur miroir leur renvoie.
Fut un temps où on traînait un petit miroir dans notre sacoche. Petit miroir qu’on sortait en douce de temps en temps, question de vérifier qu’on n’avait rien de coincé entre les dents.
Le petit miroir a grandi lui aussi. Il s’est développé, modernisé. Il a pris des allures de Webcam, de Ipad, de Iphone, de ce que vous voulez! Il est devenu cette version tactile de lui-même, qui nous permet de vérifier, à tout heure du jour et de la nuit, qu’on n’a rien qui nous pend au bout du nez!
Quand j’étais jeune (j’me fais rire à raconter ma vie comme une vieille mémé), j’achetais des films 24 poses pour mon kodak. Je les utilisais judicieusement. Jusqu’à la pose 21, parce que rendue là, j’avais vraiment trop hâte de les faire développer ! Alors les 4 dernières photos, c’était du n’importe quoi! Ça prenait 3 à 4 jours pour les recevoir. L’attente était interminable.
Quand elles arrivaient enfin, les photos disaient ce qu’elles avaient à dire! Pas de Photoshop, pas de deuxième chance pour un meilleur angle, c’était ça qui était ça.
Pourtant, je n’en ai jamais jetée une seule. C’aurait été un péché. Je gardais les bonnes et les épouvantables, toutes dans mes albums.
Aujourd’hui, je dois le dire, je ne garde plus que les poses qui me conviennent. Le fameux « check-up » qui ne durait que quelques secondes avec le petit miroir, s’éternise maintenant de longues minutes. Un petit selfie en douce qu’on reprend et reprend, parce qu’on pense toujours que la prochaine pose sera meilleure. On cherche le bon angle, la bonne lumière.
On compte sur notre bébelle pour fabriquer une image de nous avec des pommettes bien sculptées et 17 livres en moins. Et si les joues manquent de roses, on en ajoute un peu avant de l’afficher fièrement sur Facebook! Ou juste de la conserver précieusement dans nos albums virtuels.
S’en suit un monde dans lequel les photos ne disent plus vraiment la vérité. Non? Ou tout le monde est un peu (pas mal) « upgradé »…
Dernièrement, j’ai passé une magnifique fin de semaine avec des amis dans un chalet. Du monde que j’aime. Du monde beau, en dedans et en dehors. L’un d’eux, artiste dans l’âme, avait sa caméra.
Il a rôdé autour de nous tout le weed-end et nous étions contents de savoir qu’il immortalisait le bon temps que nous passions (loin des enfants, c’est tellement rare!).
Puis, quelques jours plus tard, les photos sont arrivées. Des photos que je n’avais pas pu choisir, retoucher, reprendre. Des vraies photos.
Elles étaient belles, artistiques, de grande qualité. Mais en regardant les quelques poses où apparaissait ma frimousse, j’ai eu un choc! J’ai cherché en vain les jolies pommettes et les 17 livres en moins. Je ne les ai pas trouvées.
Je me suis sentie coupable de ne voir sur ces photos que mes défauts, oubliant qu’elles représentaient d’abord le temps de qualité que nous avions eu ensemble.
Quelques semaines plus tard, je suis partie en camping. Le IPAD bien caché dans le coffre à gants, pas de miroir à portée de main. Aucune vérification capillaire possible, j’ai dû supposer que j’avais l’air de quelque chose. Après quelques jours, j’ai réalisé à quel point je me sentais bien. J’accordais de moins en moins d’importance à mon apparence, ne sentais plus le besoin de faire des « check-ups » aux 10 minutes.
À mon retour, je suis retournée voir les photos du chalet. Celles qui m’avaient dérangées. Et tout à coup, j’y ai vu autre choses.
Je n’avais plus envie de scruter mes défauts. J’y ai vu mes amis et j’ai ressenti en les regardant, une grosse vague d’affection.
J’ai eu la certitude qu’eux aussi, en me regardant, voyaient beaucoup plus qu’une simple image.
Quand ils sont avec moi, ils me voient vraiment. Ce qu’on aime chez les autres, ce sont d’abord leurs expressions, la chaleur qu’ils dégagent, la manière dont ils s’expriment. Toutes des choses qui n’apparaissent pas dans un vulgaire selfie retouché. Notre perception des autres se transforme à mesure que grimpe l’affection qu’on leur porte.
Je me suis dit alors qu’il était temps de cesser d’avoir peur. Peur d’exposer mes défauts ou de me montrer telle que je suis. Qui donc essayais-je de berner avec mes retouches? À qui voulais-je plaire à ce point pour avoir besoin de vérifier mon apparence à toutes les demi-heures!
Depuis, j’essaie de me sentir plus souvent comme en camping. De résister à la tentation de prendre 14 selfies avec mon nouvel outfit, juste pour voir de quoi il a l’air de dos, de côté…
Parce que je le sais, c’est franchement malsain. Ça contribue à me construire une vision de moi-même qui s’éloigne de plus en plus de ce que je suis vraiment.
Être surconscient de son corps amène forcément un déséquilibre. Le corps a son importance. Mais il ne devrait pas avoir toute l’importance.
Le miroir le plus juste, pour moi, ce sont les yeux de mon homme. Lui qui me connaît dans les moindres racoins…
Dans son miroir, je suis la plus belle. Il y mélange l’amour et la beauté.
Comme on devrait toujours le faire…
Alors mesdames (ou messieurs), je vous lance le défi : si on mettait les selfies au placard pour un petit bout… Une petite désintox, qu’est-ce que vous en dites ?
Pour celles (ceux) qui embarquent, voici notre 1re épreuve! Pour finir cet article, je vais prendre une photo de moi avec ma Web-Cam. UNE SEULE. Je promets de ne pas la reprendre, le retoucher, la choisir. Une photo sur le vif, comme dans le bon vieux temps! Une photo sans mensonge.
À votre tour, je vous encourage à faire de même en réponse à cet article ou en commentaire sur facebook. N’oubliez pas, une seule prise!
Et pourquoi pas partager? Tout à coup que l’authenticité, ça deviendrait contagieux?
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MARIE-JOSEE dit
Pauvre Julie! Tu es déjà tellement belle ! Pis en plus, tu écris tellement juste et bien! Je ne te connais même pas et tes textes me rentrent tellement dedans à chaque fois que je ne peux pas m’empêcher de t’aimer. Dure époque où l’image de soi prend tellement d’importance que les gens oublient d’être! Jette ce miroir-téléphone qui ne te rend pas justice! Continue de vivre et d’écrire avec tes trippes: elles sont plus intéressantes qu’un joli visage!
xxx
Julie dit
Une dose d’amour aussi gratuite… ça n’a pas de prix! MERCI Marie-Josée.