Chaque livre a sa trame de fond. Son enjeu de base, un thème dans lequel naissent et se développent les intrigues. Dans mon livre précédent, 180 jours et des poussières, c’est de l’épuisement professionnel dont il était question.
Lorsqu’est venu le temps d’en écrire la suite, je me suis demandé quel serait l’enjeu cette fois… J’avais encore plein d’histoires à raconter, d’anecdotes réelles qui pourraient aisément nourrir un nouveau roman. Mais c’est le fil conducteur qui me manquait.
Puis un soir, après avoir dégusté un gin tonic avec mon Adonis et avoir pris une petite marche dans le quartier, c’est devenu une évidence. J’allais parler de la famille.
La famille qui est derrière chacun de nos élèves, mais aussi la nôtre. Celle qui nous a vu grandir, puis celle que nous construisons à notre tour. Plus encore que de l’école, mon dernier roman parle de la famille.
En préface, vous y trouverez d’ailleurs cette magnifique et très vieille citation d’Henri Lacordaire:
« La famille est le cœur même de l’homme ; elle y verse l’amour sous toutes les formes qu’il a reçues de Dieu, et ce qu’il nous en reste en dehors d’elle est une goutte trop rare et trop amère pour nous contenter. »
Ce prédicateur et journaliste mort en 1861 a d’ailleurs dit un paquet de trucs qui ont bien du sens. « La violence engendre la violence » ou « Le temps confirme l’amitié » … Bref, un gars qui a ben de l’allure !
La famille, parce qu’elle est le cœur de l’homme. Et parce qu’elle est cruellement malmenée…
Presque sans gêne, je dois confesser que j’éprouve une obsession désarmante pour l’émission « Ma vie à 600 lb » … Obsession qui pourrait paraître malsaine. C’est vrai, pourquoi vouloir regarder se débattre de pauvres dudes pris dans 600 livres de chair qui leur pend aux orteils. En vérité, c’est toujours le même passage de l’émission qui m’attire. Le seul que je n’écoute pas en fast foward, c’est le moment où on raconte leur histoire. Leur enfance. Leur famille. Et à CHAQUE FOIS, je vous le dis, toujours, il a eu une brisure dans leur famille. Une famille éclatée, de la négligence, de l’abus, un parent absent. Et de là a découlé la prise de poids et la détresse.
C’est la même chose dans l’émission « Intervention » dans laquelle on propose des cures à des toxicomanes. Systématiquement, les participants ont eu dans leur parcours une famille brisée ou dysfonctionnelle.
Je suis choquée par tous ces dégâts. Surtout choquée qu’on n’en fasse pas davantage pour protéger ce qu’on semble avoir de plus précieux. C’est ce que ce bon vieux Henri disait : « …ce qu’il nous en reste en dehors d’elle est une goutte trop rare et trop amère pour nous contenter ». En bref, un enfant qui ne baigne pas dans cet amour et cette sécurité passera le reste de sa vie à grappiller des graines d’amour ici et là, dans ses amitiés, dans ses relations et ses réalisations… Mais ne sera jamais contenté. Il sera un autre de ces éternels insatisfaits, dont la réserve d’amour vitale est constamment à sec.
Wow. Et que faisons-nous avec nos familles à la lumière de cette vérité ? Nous voguons d’un conjoint à l’autre, créant à chaque fois de nouvelles meurtrissures dans le cœur de nos petits… Trouvons des moyens pratiques pour ne pas avoir à soigner nos parents. Et nous nous chicanons allègrement. Avec nos frères, nos sœurs, notre belle-famille. Rompant des liens précieux et indispensables.
Et si l’idée de ce réservoir que l’on ne peut remplir que par la famille prenait place dans nos esprits. Pourrions-nous alors déposer notre téléphone ? Interrompre nos occupations pour gaver d’amour et d’éducation ces petits que l’on a mis au monde ? Pourrions-nous mettre tous les efforts pour régler les conflits dans notre couple et dans notre fratrie, pour se pardonner et s’aimer encore ?
Je me permets cette question: Les efforts que nous mettons à préserver nos familles sont-ils vraiment proportionnels à l’importance qu’elle devrait avoir ? La famille, c’est la seule responsabilité ABSOLUE. Tricoter des enfants, c’est un engagement à vie qu’on ne peut négliger. Ce n’est pas un travail que l’on peut faire à temps partiel, quand ça nous arrange. Et s’acquitter de cette responsabilité nous remplit le coeur, à nous aussi, parce qu’on le sait bien, au fond, que c’est là notre destinée.
La meilleure cible pour quelqu’un qui aurait comme objectif de détruire l’humanité de manière lente et cruelle, serait de s’en prendre à la famille. Sans elle, nous nous décomposons.
Sans pourtant avoir envie de porter des jugements, puis-je me permettre de dire que je rêve que l’on redonne à la famille ses lettres de noblesse ? Que l’on reconnaisse que bâtir sans elle, c’est bâtir sur du vide. Que la construction d’êtres humains solides passe par la protection et la valorisation de la famille.
Il faudra parfois se mettre de côté. Il faudra parfois sacrifier une carrière ou un rêve. Il faudra aller à l’encontre de Francine Raymond qui chantait « Vivre avec celui qu’on aime » et choisir plutôt d’aimer ceux avec qui l’on vit déjà…
Et ce sera beau. Et ce sera bon. Et c’en vaudra la peine.
Parce qu’alors nos enfants se retrouveront soudain le cœur bien plein….
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