Tu n’es pas arrivée par le chemin habituel. Par ce long corridor membraneux et étroit que l’on traverse habituellement pour venir au monde.
Toi, comme un ange, tu es venue du ciel. Tu as surgi dans nos vies par la voie des airs.
Tu es apparue d’un coup, tu nous as pris par surprise. Nous t’attendions pourtant depuis plus de 3 ans. C’est qu’il n’y a pas eu de bedaine pour nous amadouer. Pas de recherche de prénom, pas d’échographie pour préparer ta venue.
La première fois que je t’ai vue, ma petite nièce venue des airs, j’avais pour toi milles questions que j’ai retenues. Tu avais cet air boudeur, semblais vouloir disparaître sous tes cheveux de jais. Que comprenais-tu de notre monde ? De ce paquet d’énergumènes trop blancs et trop excités ? De cette surabondance de nourriture, d’odeurs nouvelles, de sourires bien trop gratuits ?
Tu as fait ça comme une championne, tu as bien géré cette tornade de gens qui t’agressaient de leur accueil. Tu n’as rien donné gratuitement, tu as attendu que nous l’ayons mérité. Je ne t’en ai aimé que davantage. Tu n’as pas souri avant d’en avoir envie. Pas même pour une photo, une importante photo qui marquerait ton arrivée chez nous. Tu n’étais pas prête.
Maintenant, entre deux orages, tu souris tout le temps. Lorsque j’aperçois ta petite tignasse noire et tes yeux taquins, je suis submergée d’une bouffée d’affection qui me surprend chaque fois. Toi, qui n’appartenais à personne, tu as désormais ta place parmi nous.
J’ai encore des questions. Je les garde pour plus tard. Pour ce jour où, peut-être, tu auras envie de parcourir les pages de ton enfance et d’en comprendre les blessures. Et les miracles.
Tu as atterri parmi nous, parachutée dans nos habitudes confortables. De ton Asie lointaine, tu aurais pu atterrir n’importe où ailleurs. Nous étions sur ta trajectoire, déterminés à amortir ta chute quand tu apparaîtrais.
N’empêche que quand je te vois, beauté bridée, appeler avec affection mon propre père « grand-papa », j’en suis profondément attendrie. Je me dis que la vie est bien faite. Que quand certaines familles n’ont pas de place pour une enfant, il en existe forcément une autre où la place est grande, où l’amour ne sait pas quoi faire de sa peau.
Quand des parents adoptent, il se produit un tas d’adoptions collatérales. Les oncles et les tantes qui adoptent une nièce, les grands-parents qui adoptent une petite-fille, les enfants qui adoptent une cousine ou une sœur.
Tout ce bon monde, qui n’a pas choisi, se retrouve embarqué dans une aventure qui les marque profondément.
Et toi, ma petite nièce bridée, tu es de loin le plus beau dommage collatéral qui ne me soit jamais arrivé…
Merci Studio Juzolie pour les images si parlantes… Ce n’est pas ma nièce, mais c’est aussi une fille, petite-fille, nièce, cousine venue du ciel…
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Ma fille j’aimerais que tu saches
Marielle Boivin dit
Quel beau texte. Ayant nous-mêmes adopté il y a plus de 13 ans maintenant, c’est bien vrai que notre fille a été adoptée par bien plus de personnes que nous, ses parents. D’abord ses 2 grands frères qui ont dû lui faire une place dans leur vie, papy, mamie, ses oncles et tantes, cousins et cousines. Une certaine personne considère qu’elle ne fait pas « vraiment partie » de sa famille. C’est bien dommage pour cette personne, car nous choisirons toujours notre fille.
Nicole Boutin-Perron dit
Et que je vous comprends chère Marielle je vis la même chose ici au Québec pour mes trois filles et un des membre de ma belle famille ce fait un plaisir de ne pas les nommer aux mêmes titres que les autres petits enfants. Nicole
Savon dit
Merci pour ce joli texte. Nous sommes sur le chemin de l’adoption, et j’espère que nos familles sauront accueillir au mieux notre enfant venu de loin. Si nous avons la chance d’adopter un enfant.
lydia dit
Très émouvant, et tellement vrai. Merci de ce magnifique témoignage.
Lydia maman de France d’une déjà grande fille de 11 ans née en Chine
Christine dit
Je sais que ce ne sont pas tous les grands-parents, oncles et tantes qui acceptent avec autant d’aisance la venue d’une petite élargie dans leur famille. Pour ma part, je me considère bénie de l’accueil que vous avez fait à notre beauté bridée. L’amour que vous lui portez nous donne des ailes dans notre aventure… Merci!
La maman
Celine Julien dit
Oui! Quand elle accourt vers moi pour me sauter dans les bras et quelle s’ecrit: » Grand-maman ! »,
je me dis que c’est bien ma petite-fille!
Elle nous était destinée!
L’autre grand-maman.
Sophie Perron dit
Quel beau texte!
Je profite de ton article dans ma boite de courriels pour te dire que je suis au beau milieu de ton livre… Je suis une ancienne prof au primaire, j’ai bifurqué vers les adultes à la naissance de mes enfants. Ton roman nous aspire, mais les enseignantes qui le liront se diront sans doute comme moi que ce n’est pas vraiment de la fiction, elles auront connu comme moi un James, un Philippe, un Raphaël, une Rosalie… Et bien d’autres encore, parce que ces enfants, c’est juste une petite année dans la vie d’une prof…
Merci pour tes mots qui font du bien, Julie!
Sophie Perron
Julie dit
Un gros merci Sopĥie ! C’est drôle parce que les gens qui ne sont pas dans le milieu me disent souvent » Oui mais c’est de la fiction, c’est exagéré! C’est une année exceptionnelle. » Et à chaque fois j’essaie de leur expliquer que, outre les événements extrêmes du mois d’avril, c’est une année tout à faite commune… Merci pour tes beaux mots, bonne seconde moitié avec Olivia !
Marie Martine dit
Vraiment touchant et les mots sont tellement juste! Je suis maman d’une petite perle de Chine qui fait la joie de la famille au grand complet, depuis 5 ans. C’est notre cadeau du ciel.
Nicole Therrien dit
Ça me va droit au coeur, tu dis en mots tellement bien choisis, ce que j’ai vécu en pensées et en émotions, la venue du ciel de cette princesse dans notre famille.
Merci Julie pour ce texte.
Une des 2 grand-maman de ce trésor.