Les aimer ou pas?… Voilà la question!

On m’avait prévenue à mes débuts, on m’avait mise en garde pourtant….

« Ce n’est pas nécessaire, pas bon pour toi, pas raisonnable. »

Prends soin, sois professionnelle, patiente, divertissante, mais surtout, NE LES AIME PAS!  Tu n’y survivrais pas….

Passe tes 25 heures par semaine avec eux, laisse-les te raconter leur vie, console-les quand c’est nécessaire, mouche leur nez si c’est trop vert…

Parle-leur fort s’ils se rebiffent et doucement s’ils ont peur.  Mais surtout, surtout, ne les aime pas!

L’amour, c’est dangereux.  Ça épuise.  Ça tourmente.  

Pensez-vous vraiment que je les ai écoutés, moi et mes émotions qui me mènent par le bout du nez! ? Je n’ai pas hésité une seconde, j’ai aimé chacun de mes élèves spontanément.  Différemment aussi.

On n’aime pas de la même manière l’enfant tout calme et timide que celui qui prend toute la place et dont on doit calmer les ardeurs.   Pour le premier on esquisse un sourire tendre, on tente d’en savoir plus, on apprécie chaque petit millimètre hors de sa coquille.  Pour le second, on se fâche parfois.  Mais on ouvre aussi grand nos bras lorsque c’est nécessaire.   C’est différent, mais tout aussi fort.

On n’aime pas de la même manière celui qui rentre le soir dans une maison apaisante que celui qui s’en  retourne vers la peur et l’inconfort.  Pour le premier, on se permet de lâcher prise.  Pour le second, on sacrifie trop souvent notre sommeil et une partie de notre paix intérieure.   On le voit dans notre soupe.  On a hâte de retourner en classe juste pour être certain qu’il va bien, qu’il est encore là, qu’il sourit encore.

Si j’aimais un peu moins, je dormirais sans doute un peu plus.  Je travaillerais moins fort.  J’aurais une espérance de vie augmentée et un stress à la baisse.

Mais ils ont 6 ans….  S’occuper d’un adulte avec une distance émotive, j’y arrive.  C’est même assez facile je dirais.  Mais avec un enfant de 6 ans que l’on côtoie chaque jour, l’amour ne demande pas la permission!  Il s’installe, sans même qu’on ne l’ait vu venir…

J’aimerais que mon travail se termine dans ma tête au son de la cloche.   J’aimerais ne pas tourner dans mon lit en pensant à mes 24 amis.  Mais quand l’amour y met son nez, c’est bien vrai, ça devient plus compliqué…

Alors que faire, quand on croit que l’amour est nécessaire?

Je n’ai pas de réponse.  Pour être bien honnête, je vous dirais « s’en remettre à plus grand que soi »!   Tisser des liens solides avec les collègues, savoir s’arrêter parfois et savourer tous les petits moments de bonheur quotidien.

Aimer, c’est aussi parfois se battre pour que notre jolie société investisse davantage en éducation,  là où les besoins sont criants.

Aimer, c’est aussi, certains jours,  avoir à dire des choses que les parents n’aiment pas entendre.

Mais voyez-vous, pour plusieurs comme pour moi,  l’amour n’est pas un choix, c’est une évidence!