J’ai quitté l’école vers 16h20, avec une seule idée en tête : retrouver mon pyjama le plus vite possible! Obsédée par l’anticipation du coton et des pantoufles, j’ai ramassé ma marmaille chez la gardienne et j’ai filé chez moi. Mais cette fois, l’enfilage du pyjama ne m’a pas apporté toute la satisfaction escomptée…. C’est en passant devant mon frigidaire que j’ai compris pourquoi.
Ça y est, c’était arrivé. Moi qui me croyais infaillible en ponctualité et en efficacité, j’ai failli. Il y a, quelque part, une pauvre infirmière qui, ô drame, a attendu en vain mon petit poussin pour lui faire, avec amour, un vaccin. Petit poussin n’est pas venu. J’ai oublié le rendez-vous. Je n’étais même pas proche d’y penser! Pourtant, j’étais au courant, je l’avais vu sur mon calendrier de frigidaire, en gros rouge : VACCIN 16H00.
Une fois l’émotion passée (et les pantoufles enfilées), j’ai cru apercevoir, au-delà de la culpabilité et de la dévalorisation chronique de ma personne, une certaine…satisfaction! Fidèle à moi-même et à mes analyses auto-sentimentales, j’ai bien sûr investigué sur le champ ce petit bonheur absurde.
J’étais peut-être contente d’avoir évité tout le chaos qui vient avec un tel rendez-vous, surtout quand on doit s’y rendre avec 3 petits, affamés et à cran après leur journée? Les salles d’attentes, laides et sans attrait, les petits qui se chicanent pour une place sur nos genoux, qui partent explorer le monde médical sans avertissement ou qui décident d’offrir aux autres patients un beau concert de pleurs et de cris? Toute l’énergie à déployer pour prévenir de tels dérapages…. Les consignes, les pré-consignes, les avertissements, les divertissements!!! Comment ne pas être soulagée, même en sachant que ce n’est que partie remise?
En poussant un peu l’analyse, j’ai compris que cet évènement annonçait bien clairement la retraite de Julie-Super-Woman! Dans la dernière année, Julie-Super-Woman a été considérablement affaiblie et a subi de nombreux revers. 3 enfants, 27 élèves dont plusieurs avec des besoins particuliers. Julie-Super-Woman a délaissé plusieurs comités, activités, responsabilités. Pour la première fois de sa vie, elle a eu envie de ne rien faire. Être chez elle et ne rien faire. Écrire un peu, peut-être. C’est tout. Quoiqu’elle ait tout fait pour l’éviter, elle a demandé de l’aide. À grands cris. Parce que qu’avant la fin de la journée, elle n’avait déjà plus rien à donner. Parce que, malgré l’orgueil et la fierté, malgré toutes les bonnes intentions et des années à tout faire, elle a dû admettre qu’elle n’y arrivait plus.
Heureusement, elle s’est vite aperçue qu’elle avait un mari aisément capable de jouer à Superman et des collègues qui, quand les forces lui manquaient, acceptaient sans hésitation de l’aider à se tenir debout.
Depuis ce temps, Julie-Super-Woman n’a plus le monopole de la cuisine, son Superman participe aussi. Elle préfère payer et laisser les autres faire le ménage. Elle accepte de regarder des spectacles plutôt que d’en faire partie. Elle ne passe plus son temps à imaginer toutes sortes d’activités époustouflantes pour ses enfants. Elle court un peu moins. Elle vit un peu plus. Elle a besoin des autres. Elle en a toujours eu besoin, mais maintenant, elle le sait!
Et voilà que cet incident vient porter le coup de grâce à cette Julie-Super-Woman qui acceptait difficilement, malgré tout, d’accrocher ses patins. Julie n’est plus une « super », elle n’est qu’une mère comme les autres, une enseignante comme les autres, une amie qui oublie parfois, une cliente qui n‘a pas son portefeuille, une patiente qui ne se pointe pas à un rendez-vous.
Julie est soulagée. Elle regarde autour d’elle toutes ces mamans qui courent et ne s’arrêtent jamais, qui plient sous le poids du quotidien mais qui s’entêtent à tout faire par elles-mêmes. Qui sont accablées par la lourdeur de la tâche et refusent de crier à l’aide. Jusqu’à ce qu’elles finissent, sans rendez-vous, dans le bureau du médecin qui leur dira, bien qu’elles le sachent déjà, qu’elles se portent très mal.
J’ai manqué un rendez-vous, mais au fond, ce n’est rien. Ça me fait comprendre que, finalement, aucun rendez-vous ne mérite qu’on se rende malade à courir partout, le stress au ventre.
R.I.P Super-Woman. Pas certaine que tu me manqueras…
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Isabelle dit
La semaine dernière, arrivée le soir à la maison vers 19h avec mon fils Jules, 2 ans et 1/2.
Fatiguée des mauvaises nuits passées, de la journée, je suis passée quand même voir ma grand-mère avec Jules pour lui faire plaisir, la divertir aussi.
Vers 19h, donc, je gare la voiture devant la maison. Je défais la ceinture de mon fils qui commence à regarder le compteur, à appuyer sur les warnings, à trouver tout cela tellement intéressant qu’il ne voulait plus sortir… Alors, n’ayant pas le courage d’affronter, de passer par la force et par une crise de larmes, je l’ai laissé faire le temps de débarrasser la voiture… pas trop tranquille tout de même, en ayant pris soin d’enlever les clés, en ayant descendu les vitres au cas où il verrouille l’auto de l’intérieur…
Et puis, de débarrasser la voiture, j’ai voulu vite commencer la liste des milles choses à faire, à évoquer avec le papa et à préparer pour le soir et la journée du lendemain…
Soudain, j’entends le bruit d’une voiture qui roule… la panique me saisit, je prie pour que ce soit le père de jules qui arrive en même temps que je sors en courant… derrière un bruit de tôle… je cours jusqu’à la voiture qui a descendu plusieurs mètres arrêtée par un rocher…j’arrive à la voiture, j’ai peur, comment je vais retrouver mon fils : inconscient, vivant, mort, du sang…
Il est assis, voire même coincé entre les 2 sièges, il pleure, il va bien, juste affolé. « maman, la voiture est tombé » me dit-il… Heureuse, je le récupère… il va bien…
J’ai eu une chance monstrueuse, un avertissement aussi…
Stop les bêtises, stop de trop donner partout, stop de vouloir tout assumer sans crier à l’aide…Stop!
J’abandonne aussi mon costume de superwoman!
Et je me surveille, car le naturel revient au galop et je me surprends régulièrement à accélérer le rythme, à vouloir encore faire ceci, puis cela, toujours plus…
Céline Marcotte dit
Bravo Ju,
Tu t’es enfin rendue compte que tu n’as rien à prouver à personne!
On t’aime en santé et en pleine possession de tous tes moyens.
Bisous.
Marie-Eve dit
Merci Julie pour ce post qui réflète bien une réalité qui est malheurement trop présente. Moi aussi j’ai jeté mon costume de super-woman il y a qq mois et ça fait du bien!
Je crois qu’une partie du problème de la super-woman vient de l’hyperparentalité. Les parents d’aujourd’hui veulent tout faire, tout contrôler, trop protéger, trop stimuler leurs enfants, etc.. Je viens d’ailleurs de lire un bon livre qui décrit bien ce phénomène : Ces enfants déstabilisés par l’hyper-parentalité, par Myriam Jazequel.
Optons donc pour le »slow family living », c’est tellement plus sain, et moins fatiguant!!
Syndie dit
Il y a parfois des mots qui viennent nous chercher sans qu’on comprenne nécessairement pourquoi, et c’est ce que tu viens de faire. Peut-être bien que je m’y retrouve un peu…
Dans tous les cas, tu viens de me faire pleurer ce soir… Vive les émotions!!! 🙂
Julie dit
J’espère que tu t’y retrouves, parce qu’une Super-Woman, tu en es toute une! Tu es d’ailleurs une de ces collègues qui m’ont permis de tenir le coup. C’est sans doute le besoin de te reposer un peu qui éveille tes émotions… Prends soin de toi chère Syndie…
Syndie dit
Tu es bien gentille! Tu as sûrement raison, le besoin de repos dont je rêve lol aide sûrement à faire monter mes émotions haha. Un jour peut-être! 😉