Nous sommes entassés sur le pas de la porte, dans ce moment de chaos insupportable. Un de ces moments habituels où les cinq membres de la famille, frénétiques, tentent de revêtir leur sublime habit de neige pour « sortir en famille » se faire croire qu’on aime l’hiver!
Maman, je trouve pu ma mitaine! Maman, y’a de la morve sur mon cache-cou! Maman mon zipper est brisé! (P.S. Est-ce que c’est juste chez nous que les zippers sont à peu près aussi résistants que du papier de soie humide ?)
Toutes les familles qui ont plus d’un enfant vivent quotidiennement de ces joyeux moments où garder son calme devient l’ultime ambition! Bref, c’est dans cette tornade de vêtements que retentit soudain le cri de mon benjamin. Un cri fort et strident.
Il n’a pas l’habitude de crier, c’est un enfant plutôt calme. Mais depuis quelques jours, il a pris cette vilaine habitude et nous avons tôt fait de découvrir la cause de ses aboiements… Son frère.
Même s’il est loin d’être parfait, qu’il se révèle souvent colérique et turbulent, son frère ne lui avait jamais fait de mal auparavant. Mais voilà que depuis quelques jours, il s’en prend à lui dès que nous avons le dos tourné.
C’est ce que nous supposons, mais nous n’arrivons jamais à le prendre sur le fait! Il s’assure de faire hurler son frangin puis, il prend son petit air angélique dès qu’on débarque pour vérifier s’il y a des morts.
Son petit manège dure depuis déjà quelques semaines; j’ai épuisé une grande partie de ma patience dans ce dossier!
– Qu’est-ce que tu lui as fait encore?! lui demandé-je, spontanément.
– Mais rien! J’ai rien fait, c’est lui qui crie! me répond-t-il avec son air innocent.
La situation me laisse perplexe. Je n’ai aucune preuve contre lui, aucun témoin oculaire, juste la parole boiteuse de son cadet et ma forte intuition de maman. J’hésite à le punir de peur de commettre une erreur judiciaire irréparable, mais le statut quo ne me convient pas non plus. C’est alors que mon sublime instinct maternel décide de prendre le relais.
J’attire mon garçon à l’écart du tumulte et je me penche à sa hauteur. J’ai ce tsunami d’amour qui déferle en moi alors que je le regarde dans les yeux.
– J’essaie de comprendre… Dis-moi la vérité, qu’est-ce qui se passe avec ton frère?
Le tsunami l’a heurté de plein fouet. Il baisse la tête et les larmes commencent à couler sur ses joues.
– Je suis tellement, tellement, hyper jaloux de mon frère! crie-t-il soudain.
Une hurlement de désespoir qui lui sort des tripes. Rien à faire, son cri du cœur m’a happée. Je me mets à pleurer avec lui.
– Mais pourquoi?
Je meurs d’envie de comprendre. La tête toujours baissée, il me dit dans un murmure.
– Lui, il fait toujours bien. Moi je rate tout. Je ne suis pas un bon garçon.
Je suis en milles miettes!
Mon garçon ne sait pas combien il est merveilleux! Pourtant, nous encensons continuellement sa créativité, son énergie, sa fougue, sa passion, son efficacité et son cœur généreux. Comment peut-il ne pas savoir?
Avec mes larmes maintenant plus grosses que les siennes, je lui rappelle tout notre amour, notre admiration, notre contemplation de ce qu’il est.
– Tu dois nous le dire quand tu te sens jaloux! Tu dois dire : Papa je sens que tu aimes mon frère plus que moi ou encore Maman, je trouve que tu t’occupes plus de lui.
Il hausse les épaules et me répond :
– Mais je ne suis pas doué pour dire les choses moi.
Quand on a un enfant plus difficile, un enfant qu’il faut constamment encadrer, redresser, ça devient tout un défi de lui faire savoir qu’on ne l’aime pas moins que les autres! Le nombre de punitions, la quantité de réprimandes ne définit pas l’amour que l’on porte à un enfant. Mais comment pourrait-il le comprendre, du haut de ses 7 ans?
Une fois dehors, la réflexion se poursuit dans ma tête. La jalousie. Clairement, il n’est pas le seul à l’entretenir. Chez nous, les femmes, elle atteint souvent des proportions impressionnantes!
On envie celle aux cheveux frisés quand les nôtres sont raides et celle aux cheveux plats quand les nôtres ont le malheur de friser! On envie la collègue de travail toujours souriante que le patron encense et celle qui semble tout réussir sans y mettre le moindre effort.
On envie les mamans quand notre ventre est vide, mais on envie les célibataires quand notre maison, où plane une odeur de vomi, est pleine d’enfants bruyants!
On envie toutes celles qui sont minces sans rien faire, mais dont la poitrine a oublié de fondre! On envie les filles à la peau parfaite et celles qui font rire toute la salle à dîner.
On envie la dinde que notre amoureux a le malheur de trouver jolie, et la fille à la télé qui semble avoir toutes les qualités… La fille au gym qui fait des triathlons et saute plus haut que tout le monde et celle qui a une petite fossette sur la joue à laquelle il est IMPOSSIBLE de résister.
La vie est injuste. Mon conjoint le répète sans cesse à nos enfants.
– Il vaut mieux qu’ils l’acceptent tout de suite!
C’est ainsi qu’il se défend quand je l’accuse d’entraver leur bonheur innocent! À mon âge, je sais depuis longtemps qu’il a raison.
On naît égaux en valeur, bien sûr, mais on n’arrive pas tous avec le même nombre de valises disons…
Certains ont tous les talents! L’oreille musicale, l’esprit logique, l’art de communiquer. Ils ont même parfois le culot d’être beaux en plus!!!
On connaît tous des gens qui nous obligent à admettre cette injustice. Vous savez, la fille d’à côté qui a les cheveux gras, un nez énorme et qui ne comprend pas les blagues! Celle qui n’a pas pu compléter son secondaire 5 et qui tape sur les nerfs de tout le monde.
La vie est injuste, c’est certain.
Mon plus jeune est un enfant jovial et conciliant. Il est naturellement docile, il n’a aucun mérite!
Son aîné a un caractère de cochon! C’est tout aussi naturel, il n’a aucun mérite non plus! Alors oui, il se peut qu’il lui arrive, alors qu’il multiplie les efforts pour arrêter de démolir la maison à la moindre contrariété, d’envier son petit frère qui n’a même jamais pensé à claquer une porte…
On a tous des qualités, il faut les connaître et les reconnaître. Mais il faut aussi parfois admettre qu’on n’est pas tous des grands artistes, pas tous des canons de beauté. On n’a pas tous la capacité de résoudre des algorithmes comme Will Hunting ou de composer comme André Mathieu. On ne ressemble pas tous à Heidi et Criss Powell….
Mais c’est dans ces injustices flagrantes que l’amour inconditionnel prend tout son sens.
Si l’amour venait avec le mérite, mon petit aura peut-être des raisons de s’en faire… et moi aussi! Mais c’est loin d’être le cas!
– Je t’aime mon garçon. Papa t’aime tellement aussi.
Il n’y avait pas d’autre chose à dire. Je lui ai répété mille fois en le serrant contre moi. Je ne tenterai pas de peser ses qualités et celles de son frère dans une balance. Parce qu’en fait, il n’y a aucune raison de vouloir les comparer!
Ce qui fait de moi un être de valeur, c’est surtout le fait que je sois la seule à être moi.
J’ai eu besoin de l’expliquer à mon garçon de 7 ans.
Mais j’ai aussi eu besoin de le rappeler à la femme de 34 ans que je suis.
Mon travail de maman, c’est maintenant de m’assurer que chacun de mes enfants, tels qu’ils sont, n’aient plus jamais l’occasion d’en douter.
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Secrets et mensonges de la jalousie, par Monique Ayoun
Maryse dit
Quelle belle histoire de libération émotionnelle pour tous et pour nous les lecteurs , tu nous inspires à régler cela . Dans un longue partie de ma vie j’ai souffert de la jalousie et cela rend fou … Alors un jour par la grâce divine et un cheminement personnel de croissance j’ai enfin pu dire , que cela faisait partie d’une ancienne vie . QUELLE LIBÉRATION !!! MERCI d’avoir osé en parler de cette façon
Helen Hayes Desjardins dit
Malgré les difficultés que cet enfant rencontre pour le moment!!!
Il va très bien s’en sortir car il a des parents très a l’écoute qui trouveront
De merveilleuses solutions!!D’être écouter a bas âge par papa et ou maman va faire toute la différence dans son cheminement pour devenir un grand garçon!!!
Si il se sent accepter tel qu’il est il deviendra un homme assumer!!!
Beaucoup repose sur les épaules des parents!!!
Julie tu es une merveilleuse maman!!!!
Karina dit
Pauvre petit coeur! C’est pas facile, la vie! 😉
Il est béni d’avoir une maman en or qui prend la peine de vouloir comprendre ses sentiments, car non, ce ne sont pas tous les parents qui s’y attardent. Super texte, comme toujours! 🙂