C’est la catastrophe pour nos petits québécois! Plutôt que d’aller en augmentant, leurs résultats scolaires sont en chute libre.
56 % en orthographe, comparativement à 61,8 % pour les élèves d’avant la réforme.
Et c’est la même chose pour les mathématiques…
Évidemment, il faudra un coupable! On a déjà blâmé les enseignants, c’est au tour de la réforme d’être mise au banc des accusés!
La grande réforme, celle qui devait changer nos vies! J’étais sur les bancs d’Université quand elle a déferlée cette fameuse réforme. Quand j’ai mis le pied dans les écoles, elle venait tout juste d’être implantée. Je l’ai vu se tailler une place, en bousculant un peu les habitudes…
Mais qu’a-t-elle fait au juste cette mystique réforme? Vous voulez savoir ce que j’ai vu?
Et bien j’ai vu beaucoup de bruit pour rien! Des tonnes de paperasses et de nouveaux documents qui ont circulé. J’ai vu des mots remplacés par d’autres. Des habiletés sont devenues des compétences, des connaissances sont devenues des savoirs… On s’est mis à être ben ben fiers de nos projets intégrateurs (que plusieurs faisaient déjà bien avant) et de tout ce qui sonnait moins « conventionnel ». Les enseignants plus classiques ont perdu en crédibilité et les plus innovateurs ont été encensés.
Mais est-ce que vraiment la qualité de l’enseignement en a été affectée?
Il y a milles bonnes façons de faire apprendre. En vérité, ça dépend beaucoup plus des habiletés pédagogiques des enseignants que d’une vulgaire réforme…
J’ai vu des enseignants qui enseignaient de façon très traditionnelle obtenir des résultats époustouflants. J’ai vu des enfants pendus à leurs lèvres juste parce qu’ils savaient utiliser les bons mots, les bonnes intonations. Parce qu’ils comprenaient le cerveau de leurs élèves.
Sans flafla, sans décor, sans projet interdisciplinaire, sans avoir besoin de déguiser tout le monde ou de jouer au bingo! Juste un talent naturel et un souci pédagogique accru.
D’autre part, j’ai vu des enseignants enseigner par projets, apprendre les mots en chantant et les additions en dansant, et être tout aussi performants!
Parce que ce n’est pas la forme, et encore moins la réforme qui compte. C’est l’intelligence pédagogique et les ressources humaines qui font la différence!
Je préfère mille fois une banale dictée bien faite à un projet tape à l’œil broche à foin!
Finalement, la réforme est loin d’être allée au fond des choses. Elle s’est attaquée à la forme plutôt qu’au fond.
Parce que les vrais problèmes, à mon sens, il y en a deux. Deux qui font toute la différence et pour lesquelles la réforme n’avait rien prévu.
Le vrais coupables, ceux qui sautent aux yeux quand on se pointe dans les écoles, ce sont les problèmes affectifs grandissant chez les jeunes et l’intégration des enfants à besoins spéciaux sans soutien.
Si on pouvait, d’une quelconque manière, agir sur ces deux fronts, je vous GARANTIS que les résultats scolaires de nos petits québécois exploseraient!
Cette année, je vis une situation bien particulière. Quelque chose qui arrive rarement dans la vie d’une enseignante. J’enseigne en 2e année du primaire. J’ai 20 élèves. 20 milieux stables. 20 parents qui collaborent. Aucun enfant à besoins particuliers, j’entends par là des handicaps, déficiences ou autres problématiques pouvant rendre une intégration à un groupe laborieuse.
C’est une année de grâce. J’en savoure chaque seconde. Et le constat est frappant : je ne me suis jamais sentie aussi compétente! Je suis loin d’être parfaite, mais pour la première fois depuis plusieurs années, j’ai le temps de m’occuper des apprentissages de mes élèves! Quand ils travaillent, j’ai le grand luxe (parce que c’en est devenu un) de pouvoir assister les élèves de mon choix. Je peux circuler, remarquer les difficultés, rester près d’un enfant pour lui réexpliquer, faire le travail avec lui.
Pour dire vrai, il y a bien longtemps que ça ne m’était pas arrivé! Parce qu’en temps normal, il y a toujours un feu à éteindre, une crise à gérer. Quand on intègre en classe un enfant handicapé ou déficient sans lui fournir quelqu’un pour l’accompagner, on monopolise l’enseignant pour un seul élève.
Que font les autres alors? Ben, ils font leur possible…. Et obtienne 56% en orthographe!
Il ne faut pas trop le dire, mais il y a aussi le mode de vie auquel nous adhérons qui ne ménage pas nos enfants. Il y a beaucoup de souffrance, d’anxiété, d’insécurité. Et ne pensez pas pouvoir les enjamber lorsque vient le temps d’apprendre! Un enfant qui n’est pas bien n’est pas disposé à l’apprentissage…
Alors quoi? Qu’est-ce qu’on attend pour donner aux écoles plus de ressources humaines, donner aux familles plus de soutien et surtout, sensibiliser la société à l’impact de notre mode de vie sur nos enfants?
Il faut redonner vie aux classes et écoles spéciales pour les enfants qui en ont besoin ou penser à des façons intelligentes et réalistes de les intégrer.
C’est là que sont les véritables enjeux.
Bien sûr, c’est plus simple de se faire croire qu’en changeant le jargon scolaire et la présentation du bulletin, on peut tout arranger. Mais tant qu’on voudra garder le tabou sur ces deux problèmes délicats, aucune réforme ne pourra nous venir en aide!
En attendant, laissons à chaque enseignant sa couleur, sa manière, son inspiration. Faisons-leur confiance! Et si un ordre professionnel peut nous aider à y voir plus clair, et bien soit! Bien sûr, notre système scolaire n’est pas parfait. Je rêve d’une vraie réforme dont les instigateurs seraient les enseignants et non pas les valeureux ministres dans leurs tours d’ivoire. J’espère des changements significatifs qui donneraient plus d’avenues aux enfants et optimiseraient leurs différentes capacités.
Mais tout ça n’est que du vent si on oublie de prendre d’abord soin des principaux intéressés. La plus grande réforme seraient celle où les besoins de base des enfants seraient mis en priorité.
Celle-là aurait le pouvoir de tout changer.
Ces enfants que l’on voudrait normaux
Les 6 plus grands ennemis de nos enfants
Quand les coupures portent des noms
Johanne Leal dit
Quel bien fou cela fait de lire ce billet! A l’heure où la France s’apprête à mettre en place en 2016 la même réforme que le Québec a connu il y a 10 ans, je suis « rassurée » dans un sens de voir que non, nous ne nous opposons pas juste pour le plaisir de nous opposer, mais bien parce que cette réforme est réellement dangereuse et qu’elle prévoit encore plus de précarité pour les plus fragiles.
Merci pour votre blog!
Une enseignante française découragée par l’avenir!
Roseline Jarry dit
Je reconnais bien ce climat d’impuissance qu’a amené la réforme. Chez moi aussi ça frapper dure, je n’ai qu ‘a changer quelques mots de ton texte et c’est le même constat dans le système de santé. De la paperasse par dessus une autre, on change les plans de traitements pour dire oups ça marche pas. Je passe mon temps à le répéter on ne change pas une recette gagnante. La lourdeur des milles papiers m’empêche de soigner avec du temps de qualité et de voir au-delà du soins. Je veux pas être confiner à regarder que la plaie de mon patient, je veux prendre le temps de le regarder dans les yeux. Je veux comprendre pourquoi c’est comme ça et trouver un plan pour aider mon patient au maximum. J’suis épuisé de couper dans les soins pour remplir une feuille qui sera oublié dans un dossier.
Rachel dit
Wow Julie,
Encore une fois merci pour tes analyses réalistes. Tu es une excellente porte-parole pour beaucoup de travailleurs en éducation. J’espère que ton texte se rendra plus loin que les yeux des lecteurs abonnés à ton blogue!
J’aime!
Rachel
Isabelle Simard dit
J’aime tellement votre plume! Merci pour ce texte, il fait du bien. Je suis tellement d’accord avec vous. Des modifications si simples à faire pour arriver à ce que nous souhaitons tous pour les enfants et les familles du Québec. Les solutions existent, autant en santé qu’en éducation. Ce sont les acteurs sur le terrain qu’il faut consulter et écouter.