Je me suis égrainée.
Je contemple sur le sol les miettes de moi que j’ai laissé tomber. Chacune d’elle m’a déjà paru importante. Je me suis débattue pour toutes ces miettes, pendant si longtemps.
Mon travail, mon rôle d’enseignante. Être présente pour mes élèves, entretenir les amitiés, gérer efficacement les tâches ménagères et familiales… Les plate-bandes, les commissions, mon apparence. Planifier les vacances, n’oublier aucune réunion, m’impliquer dans la communauté.
Ne rien manquer. Ne rien oublier.
Être belle. Bien mise. Jolie. Utile.
Avoir l’air confiante.
Faire découvrir la vie à mes enfants, dans l’action, dans la variété, dans les sorties.
Tonifier mon corps. L’entretenir, le muscler. M’assurer qu’il soit en bon état afin qu’il puisse me porter jusqu’à mes vieux jours en me faisant honneur et me gardant libre.
Utiliser chaque petit trou de temps pour savourer un paysage, une relation, une nouveauté.
De moi-même, je n’aurais jamais pu laisser aller aucune de ces choses.
Il fallait que ce soit obligé. Il fallait que les options n’existent plus. Il fallait que la vie m’en dépouille.
Ce fut épeurant. Terrifiant. Je me suis retrouvée nue, sans plus aucun cordage à manier, aucun volant à faire tourner.
« Haut les mains » m’a dit la maladie. J’ai ouvert mes paumes et laissé tomber tout ce que je retenais depuis toujours.
Une fois l’attaque passée, la peur calmée, la souffrance apaisée, je me retrouve fort légère.
À ma plus grande surprise, je me demande même si je pourrais un jour reporter le poids de toutes ces ambitions. Et si je le pouvais, le voudrais-je ?
Le contrôle est une belle illusion et la poursuivre s’avère éreintant. Insatisfaisant. Incomplet. Angoissant.
J’ai tout laissé aller, et je n’en suis pas morte. J’en suis même meilleure, peut-être.
J’ai découvert, du moins, que j’en étais capable. Que je pouvais me laisser porter par les jours et embrasser ce qui se présente à moi sans avoir tenté d’anticiper ou de modifier le cours des choses.
J’en suis capable. C’est nouveau.
C’est un apprentissage, il me semble, qui en valait la peine.
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Christine Marcotte dit
Je suis apaisée de voir que tu trouves un peu de bon au milieu de ta souffrance… De ta soeur qui t’aime!
Josée Fleurent dit
Merci pour ce partage d’une introspection qui serait à toutes et tous bénéfique, y compris moi
Que Dieu te bénisse douce et radieuse Julie xo
Patricia dit
Merci Seigneur pour l’authenticité. Puissions-nous la savourer chaque minute de notre vie! Il n’y a rien comme la souffrance pour nous ramener à l’essentiel. Merci pour ce beau texte!
Carole Bergeron dit
Que je suis heureuse de vous retrouver Mme. Julie . J’ai lu tous vos livres et j’adore vos sujets abordés . Merci