Chaque fois c’est pareil.
Chaque fois, on oublie qu’on sait comment faire.
On se demande si on dira les bons mots, si on trouvera les bons moyens, si on saura capter leur attention.
La veille de la rentrée, on supplie le sommeil de venir nous chercher. On sait que le lendemain, il faudra être à notre meilleur. Et l’angoisse pourtant, malgré des années d’expérience, nous titille les boyaux et nous garde éveillés.
On oublie qu’enseigner c’est comme le vélo. Que même si on ne saurait vraiment expliquer comment on doit s’y prendre, les réflexes, acquis durement à nos débuts, refont surface dès qu’on saisit le guidon.
À chaque fois, on oublie qu’on trouvera nos nouveaux élèves tellement petits. Tellement jeunes.
Qu’on se dira que le défi est grand, qu’on voit mal comment on arrivera à tout leur apprendre…
On s’étonne, d’un septembre à l’autre, des efforts qu’il faut déployer pour initier les enfants à nos routines. À nos danses. À nos habitudes.
On s’impatiente parfois, on court le marathon des jours durant. Tout est à réapprendre. Comme si notre classe venait de faire un ACV, avait perdu tous ses acquis. Qu’il fallait tout recommencer.
On s’étonne du temps qu’ils prennent pour sortir un crayon, pour attacher un lacet. Qu’ils se perdent en allant aux toilettes et qu’ils ne sachent plus comment on lève la main.
Puis, le temps passe.
Et chaque fois, la magie opère.
On arrive un matin et on surprend notre cœur à s’attendrir en les voyant arriver, comme une tornade au bout du couloir.
On trouve un jour un dessin, laissé sur notre pupitre, qui nous tire une larme et nous gonfle le cœur.
Tranquillement, ils sont devenus les nôtres.
Et les fruits de notre travail, tout à coup, commencent à apparaître au bout de leurs branches. Ils se mettent à bourgeonner et à fleurir, dans une tempête d’accomplissements.
On réalise alors qu’ils exécutent les routines comme s’ils l’avaient toujours fait. Qu’ils nous connaissent tellement bien qu’ils arrivent parfois à finir nos phrases. Qu’ils maîtrisent nos danses encore mieux que nous.
Qu’ils ont appris tellement de choses, qu’ils sont devenus tellement plus grands.
À chaque fois, le miracle se produit. Et on oublie…
À chaque fois, on efface l’ardoise et on recommence. Comme si c’était la première fois.
Alors à tous mes collègues qui flânent sur le net d’un œil, l’autre déjà fermé. Le dos courbaturé, le cerveau en compote.
Qui sont déjà essoufflés et qui regardent l’avenir d’un air suspicieux.
Rappelez-vous; C’est chaque fois pareil !
On a juste oublié. Comme on oublie un accouchement difficile. Un accident d’auto.
Notre mémoire fait le tri, judicieuse, pour nous permettre à chaque fois d’avoir hâte de recommencer….
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